Nouvelle directrice de la Comédie de Caen, Aurore Fattier bouscule les disciplines et les formats

Quel sens donnez-vous au titre de votre projet pour la Comédie de Caen : Partage de sensible ?

Aurore Fattier : J’ai pensé et conçu ce projet à partir de ma propre sensibilité, de mes envies de partage et de découverte. Diriger pour diriger ne m’intéresse pas. Je veux approfondir mon travail d’artiste en fédérant d’autres créatrices et créateurs autour de moi, mettre mon travail en partage avec une équipe et des publics. J’ai passé des semaines à discuter avec les gens, à observer ce territoire. Mon projet prend à la fois en compte le local, le national et l’international.

« Je souhaite que notre CDN s’ouvre le plus largement possible aux publics éloignés et empêchés… »

Il s’agit d’un projet de synthèse…

A.F. : Oui, mon parcours européen m’incline naturellement à inviter à Caen des artistes originaires d’autres pays, tout en aidant des artistes français à présenter leurs spectacles à l’étranger. J’ai également à cœur de travailler en liens étroits avec l’environnement immédiat de notre CDN, ainsi qu’avec le département et la région, notamment par le biais de propositions participatives qui s’inscriront dans la ruralité. Moi-même, je crée cette saison Paysages avec traces #2 avec la jeune troupe, composée de Charlaine Nezan, Roxane Coursault et Juliette Lamour. Pendant quatre semaines, nous proposerons aux habitantes et habitants des territoires de participer à ce projet entre artistique et documentaire. Je tiens également à m’adresser à la jeunesse afin d’être un relai pour l’éducation nationale, une zone de parole et de pensée qui offre aux jeunes publics et aux professeurs la possibilité de créer des débats dépassionnés.

L’idée d’hospitalité et de décloisonnement est essentielle pour vous…

A.F. : Absolument. Je souhaite que notre CDN s’ouvre le plus largement possible aux publics éloignés et empêchés, notamment grâce à notre collectif pluridisciplinaire*. J’ai voulu associer à la Comédie de Caen des personnalités très différentes les unes des autres pour organiser des synergies, des rencontres, pour casser les disciplines, les formats et les murs, pour démultiplier les formes à l’intérieur et à l’extérieur de nos deux salles : le Théâtre d’Hérouville et le Théâtre des Cordes. Notre ambition est de forger une seule et même identité pour ces deux lieux très différents, d’indiquer aux publics comment aller de l’un à l’autre, y compris dans la même soirée, ou dans la journée, pour que ces deux théâtres deviennent des espaces de vie ouverts à toutes et tous.

* Les metteurs en scène Julien Gosselin, Julie Duclos, Céline Ohrel et Claude Schmitz, l’autrice Pauline Peyrade, le comédien Adama Diop, la productrice de radio Aurélie Charon, le chorégraphe Jérôme Bel, l’historienne de l’art Estelle Zhong Mengual, la médiatrice Chloé Latour, la musicienne Rebeka Warrior, le scénographe Stephan Zimmerli.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat