La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -286-Chaillot ~ Théâtre national de la Danse

Nijinska / Voilà la femme de Dominique Brun

Nijinska / Voilà la femme de Dominique Brun - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
Crédit : D.R. Bronislava Nijinska répétant Les Noces à Buenos Aires en 1926.

Entretien
Dominique Brun
Création Chor. Dominique Brun

Publié le 7 août 2020 - N° 286

Dominique Brun poursuit son travail d’exploration des sources d’œuvres majeures de l’histoire de la danse. Après Nijinski, sa sœur, La Nijinska. La chorégraphe s’attaque à la recréation des Noces et du Boléro, entre traces écrites et inventions chorégraphiques.

Qu’est-ce qui vous a conduite à revisiter Les Noces ?

Dominique Brun : Voilà longtemps que j’avais envie de rencontrer une pièce qui avait fait l’objet d’une remise à jour par son auteur. Un jour, je suis tombée par hasard sur des annotations de Bronislava Nijinska à la Librairie du Congrès de Washington. J’ai découvert ensuite des photos de 1923 et de nombreux carnets – mais qui dataient de la reprise en 1966 pour le Royal Ballet. Néanmoins, ils s’appuyaient sur la partition de 1923 qu’elle avait annotée au crayon. Donc différentes traces de la mémoire des Noces se sont sédimentées : en 1923, 1966, puis celles de sa fille, après le décès de Bronislava en 1972, et une partition de Tom Brown, notateur Laban décédé en octobre 2018. L’enjeu essentiel, c’est de partir de ces retranscriptions et de revenir à ce qui m’intéresse, soit la période très constructiviste de la vie de Bronislava correspondant à la période 1916-1922.

Quelle en est votre vision personnelle ?

D.B. : Les Noces est construit sur de grandes immobilités. Or la vision de Natalia Gontcharova pour la scénographie et d’Igor Stravinsky était joyeuse, festive, presque liturgique. Pour Bronislava, au contraire, c’était un mariage arrangé, forcé. Donc un drame très noir, très austère. Les hommes et les femmes sont séparés, de chaque côté de la scène, et la gestuelle, plutôt abstraite, terriblement contenue, montre un corps en lutte, qui ne s’abandonne jamais. Mon idée a donc été de mettre en perspective ces deux points de vue, en entrecoupant la pièce de Nijinska par des « tableaux vivants », un art à la mode dans les années 1840, consistant à reproduire avec des personnes prenant la pose, une œuvre picturale connue. Je suis allée chercher des toiles connues qui représentent la danse, la fête et notamment les noces, trois de Pieter Brueghel l’ancien, et une de Pierre Paul Rubens pour les intercaler.

Et le Boléro ?

D.B. : Le Boléro est tout autre. Originellement, c’est une femme sur une table, dans une taverne, adulée par vingt mâles transis tels qu’on les imagine dans l’univers flamenco. J’avais envie de prendre à bras le corps ces clichés et de les retravailler. C’est pourquoi je me suis adressée à François Chaignaud en lui demandant s’il avait envie qu’on dérive, en se confrontant à l’univers butô, à cet hommage rendu par Ohno et Hijikata à La Argentina. Car une forme de cruauté existe dans le butô comme dans le flamenco, une danse qui contient un exotisme à la fois lointain et proche. Le flamenco donne aux femmes et aux hommes un statut assez similaire, tout en interrogeant notre modernité sur le genre. A travers son corps et sa voix, je trouve que François incarne ces questions et les pose à la société.

 

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Nijinska / Voilà la femme de Dominique Brun
du vendredi 19 mars 2021 au jeudi 25 mars 2021
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75116 Paris.

Tél :01 53 65 31 00.

Site : theatre-chaillot.fr

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur la Danse

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur la Danse