Un festival de créations fédérateur et émancipateur
A la tête du Théâtre de Sartrouville et des [...]
Focus -261-Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
La metteure en scène Bérangère Vantusso et le dessinateur Paul Cox reviennent sur l’histoire de l’une des premières radios libres françaises : Radio Lorraine Cœur d’Acier. Une création en mots, en sons et en images inspirée des spectacles japonais de Kamishibaï.
Qu’est-ce qui vous lie à l’histoire de Radio Lorraine Cœur d’Acier ?
Bérangère Vantusso : J’ai connu cette radio lorsque j’étais enfant, puisque j’ai grandi à Longwy, en Lorraine, où elle a été créée. J’en garde des souvenirs assez forts, car la population était très impliquée dans la vie de cette radio. Radio Lorraine Cœur d’Acier est née à l’initiative de la CGT, en 1979, pour soutenir la lutte des ouvriers au moment du démantèlement de la sidérurgie. Cette radio devait initialement durer quelques jours, jusqu’à la Grande marche sur Paris du 23 mars 1979. Mais elle a finalement eu un tel succès populaire – dépassant le cadre d’une radio syndicale pour devenir un média de libre expression où chacun pouvait prendre la parole – qu’elle a émis durant seize mois. Il m’a semblé intéressant de raconter cette histoire d’engagement populaire à des adolescents d’aujourd’hui.
« Radio Lorraine Cœur d’Acier est née à l’initiative de la CGT, en 1979, pour soutenir la lutte des ouvriers. » Bérangère Vantusso
En plus des archives sonores du documentaire* dont vous vous êtes inspirés et de l’intervention des comédiens Hugues De La Salle et Marie-France Rola, cette histoire est prise en charge par les dessins de Paul Cox. Comment interviennent-ils dans la représentation ?
Paul Cox : Pour ce spectacle, Bérangère a eu une intuition très audacieuse : se réapproprier le principe du Kamishibaï, un art de spectacles de rue japonais destiné aux enfants qui raconte des histoires en montrant des dessins. Elle m’a donc proposé de travailler avec elle en réalisant des images. Nous avons imaginé un grand castelet avec seize cases, qui permettent de présenter autant de dessins et de constituer une trentaine de plans successifs. Des plans composés de mosaïques ou de grandes images qui s’envisagent à l’échelle du castelet.
B. V. : Notre projet n’est pas du tout que ces dessins illustrent le propos, mais qu’ils se substituent à certains récits. Car le langage de Paul est un langage très fin, avec plusieurs niveaux de lecture, et également beaucoup d’humour. Le théâtre documentaire n’étant pas du tout mon endroit de création habituel, j’ai eu envie de trouver un troisième terme poétique qui permette de retraverser l’histoire de Radio Lorraine Cœur d’Acier. Pas seulement de manière factuelle, mais en y apportant une autre dimension.
« Nous jouons beaucoup de décalages, d’échos, d’associations qui viennent ouvrir le sens, l’enrichir, le poétiser… » Paul Cox
Quel regard portez-vous l’un et l’autre sur vos univers artistiques respectifs ?
P. C. : Il y a, dans l’univers de Bérangère, une forme d’étrangeté qui est assez loin de mon propre univers mais qui me touche beaucoup, que je trouve très poignante. L’idée que l’on a eu ensemble est de faire en sorte que l’image fonctionne un peu comme un contrepoint musical ou sonore, sans chercher à illustrer ce qui se dit de façon littérale. Nous jouons ainsi beaucoup de décalages, d’échos, d’associations qui viennent ouvrir le sens, l’enrichir, le poétiser…
B. V. : Le travail de Paul développe un langage en apparence extrêmement simple, mais en réalité profond et complexe. Ses images ont plusieurs temporalités. Elles provoquent un premier ressenti, puis elles se déposent et déploient leur force dans un rapport au monde qui m’intéresse beaucoup, que je trouve à la fois sensible et politique.
* Un morceau de chiffon rouge, édité par La Vie Ouvrière éditions, 2012
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Création le 15 janvier 2018 au lycée Le Corbusier à Poissy.
Tournées des six créations dans le département des Yvelines du 15 janvier au 17 mars 2018. Puis tournées nationales.
Tel : 01 30 86 77 79.
A la tête du Théâtre de Sartrouville et des [...]