« L’oiseau de Prométhée », entre amitiés et déchirements

De petites tables, une taverne, la foule, des amis qui se retrouvent, des serveuses qui passent avec des plats : le plateau du théâtre est devenu la place Exárcheia à Athènes, une représentation d’un haut-lieu de la Grèce contestataire. Mais il s’avère que c’est aussi la salle où le gouvernement grec négocie la dette du pays avec l’Union Européenne. Et le lieu du dernier banquet des dieux et des humains, avant que Prométhée ne les encourage à renverser l’ordre. Trois époques, mais un lieu, la Grèce, et trois univers : celui du mythe, celui des politiques, et celui du peuple et de l’amitié malmenés par l’Histoire. Les marionnettes cohabitent avec les comédiens : qu’il s’agisse de Zeus ou de Christine Lagarde, elles permettent de rejouer sur scène les événements tels qu’ils ont été perçus par les protagonistes, et de tenter de donner une réponse à cette question vieille comme les sociétés humaines : comment voulons-nous distribuer la richesse ?

La marionnette, métaphore sur un fil tendu entre légèreté et gravité

Dans ce spectacle en partie immersif, une partie du public est invitée à prendre place sur scène. Les comédiens jouent au milieu des spectateurs, et les marionnettes, construites pour être vues sous tous les angles, passent aussi au milieu d’eux. Traversant les époques, l’oiseau de Prométhée est le narrateur omniscient qui guide le public au travers du récit éclaté, écrit par Chrístos Chryssópoulos. Du point de vue de la construction, les marionnettes prennent des dimensions impressionnantes, à l’image de ce Zeus dont la tête est surmontée de cornes qui crachent de vraies flammes. Le tout est servi par une musique faite de la rencontre inédite des compositions électro d’UssaR et du piano aux sonorités orientales de Stéphane Tsapis. Du côté de l’interprétation, les sept comédiens et comédiennes, qui n’avaient jamais travaillé avec la compagnie, apportent une forme de fraîcheur. Ils et elles campent cette histoire tragique où les bouleversements géopolitiques vont jusqu’à déchirer les liens entre les humains.

Mathieu Dochtermann