Entretien Mimi Barthélémy
« Je martèle Haïti, c'est ma cause. » [...]
Focus -204-THÉÂTRE D’IVRY ANTOINE VITEZ
Le merveilleux et le tragique
Pauline de Coulhac, membre actif de la compagnie Les Grandes personnes, met en scène Kouté Chanté, où l’itinéraire d’une grand-mère reflète celui d’Haïti.
De quelle façon êtes-vous intervenue pour la création de Kouté Chanté ?
Pauline de Coulhac : Mimi Barthélémy raconte dans ce spectacle son Haïti à elle. C’est ce qu’elle avait entrepris aussi avec le livre album de comptines Dis-moi des chansons d’Haïti, qui inspire cette pièce. Ce patrimoine incroyable de chansons enfantines, ludiques, parfois subversives, s’incrit dans l’Histoire d’Haïti et laisse transparaître le merveilleux et le tragique de cette Histoire. Mimi m’a demandé de réfléchir avec elle à la forme et à l’écriture de ce projet théâtral, et nous sommes parties du personnage d’une grand-mère endeuillée, portant en elle cette dualité entre merveilleux et tragique. Elle revient en Haïti à la recherche d’une chanson oubliée, pour se délivrer d’une immense peine, pour puiser dans l’énergie incroyable d’Haïti les outils de sa reconstruction. L’histoire est jouée et non contée, dialogues et chants se succèdent, ce qui correspond à la nature profonde de ce personnage
Dans quel contexte se passe son arrivée sur l’île ?
P. de C. : Nous avons voulu situer l’action pendant la période du carnaval, tradition fondamentale mêlant dimension intime et dimension collective, moment de liesse populaire où tout est permis, où il devient possible de parler de la misère, de la corruption, de la dictature. Dans la scénographie réalisée par Christophe Evette, directeur de la compagnie Les Grandes Personnes, toute une série d’objets a été réalisée par des artistes haïtiens en Haïti, autour de la thématique du carnaval, particulièrement celui de Jacmel, très authentique.
Qui rencontre-t-elle en Haïti ?
P. de C. : Elle rencontre un Haïtien, qui n’a jamais quitté son île et joue le rôle du passeur. Tous deux confrontent leurs histoires : elle qui est partie, lui qui est resté et symbolise toute la force impétueuse de la vie ainsi que toutes les tragédies de l’île. Il est interprété par Yacouba Sawadogo, jeune comédien burkinabé qui comme moi fait partie de la compagnie Les Grandes Personnes, fortement liée à l’Afrique. La construction de la pièce touche beaucoup à nos histoires personnelles : Mimi l’Haïtienne, Yacouba l’Africain, et moi la Française formons un triangle qui crée une émulation féconde autour de cette thématique de la mémoire ! On joue à reconstituer la grande Histoire d’Haïti par le vecteur de l’intime, la pièce effectue des allers-retours permanents entre ces deux champs, et explore les éléments fondamentaux qui cisèlent la mémoire.
Propos recueillis par Agnès Santi