La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -204-THÉÂTRE D’IVRY ANTOINE VITEZ

Entretien Mimi Barthélémy

Entretien Mimi Barthélémy - Critique sortie Théâtre Ivry-sur-Seine Théâtre d'Ivry Antoine Vitez
Mimi Barthélémy

Publié le 27 novembre 2012 - N° 204

« Je martèle Haïti, c’est ma cause. » Conteuse, comédienne et chanteuse, Mimi Barthélémy est une artiste érudite et populaire, chantre du lien entre la mémoire d’Haïti et sa transmission orale. Rencontre avec une femme de mots, toute en sourire, et en énergie créatrice.

Quelle est l’histoire de Kouté Chanté ?

Mimi Barthélémy : Une grand-mère, qui identifie chaque personne ou chaque objet par une chanson, revient dans son pays à la recherche d’une chanson oubliée… Cette femme un peu fofolle et décalée débarque sur une plage du Sud d’Haïti le jour du Carnaval, un lieu de son enfance. Elle rencontre un pêcheur, en train de fabriquer le masque du Goudou-Goudou, le masque du séisme. Ils se mettent à faire de la musique ensemble. Le pêcheur a du mal à croire que cette femme est haïtienne, et une relation particulière se tisse, entre affrontement et complicité. Et quand le Carnaval joue, des bribes de LA chanson lui reviennent, la chanson d’un enfant qu’elle a perdu…

Le Carnaval est le troisième personnage…

M.B. : En résonance avec le Carnaval, il y aura sur scène beaucoup d’instruments et de grosses têtes en papier mâché, manipulées par le pêcheur – joué par Yacouba Sawadogo de la compagnie Les Grandes Personnes. Le Carnaval, c’est l’expression la plus profonde d’un peuple – dès lors qu’il n’est pas devenu commercial. Le Carnaval de Jacmel déborde d’imagination, de personnages en papier mâché d’une truculence extraordinaire, se moquant de la justice, des corrompus… A Jacmel on chante, on s’amuse, on se défoule ! C’est une expression populaire, subversive et créatrice, qui ici va provoquer la réconciliation de cette femme avec ses racines.

« A nous d’aller à la pêche de l’Histoire, de tirer les filets pour que tout nous revienne. »

La question de la diaspora, de ses douleurs et de ses richesses, est au centre du spectacle.

M.B. : La grand-mère est en contact permanent avec ses enfants et petits-enfants restés en Europe, via Internet, avec les aléas parfois comiques de compréhension. En pénétrant dans le Carnaval, la grand-mère se fond dans son pays qu’elle a quitté il y a bien longtemps. Elle se heurte à diverses problématiques : le pays réel et celui du souvenir, mais aussi le peuple du territoire et celui qui vit à l’extérieur.

Ce spectacle fait-il donc oeuvre de transmission ?

M.B. : J’aime parler d’Haïti, à travers le jeu, à travers le conte et la musique. Je véhicule et fais partie de la culture haïtienne, quoi que vivant en France… Je suis partie des chansons de mon album Dis-moi des chansons d’Haïti, et j’ai mis dans ce spectacle mes souvenirs personnels. Je veux répandre la culture haïtienne en France, je veux dire qu’Haïti existe, que son destin est lié à la France, même si cette fidélité ne semble pas réciproque. L’image d’Haïti a été effacée de l’enseignement en France, alors que c’était la colonie la plus riche, que Toussaint Louverture était français, que la lutte contre Napoléon a été un événement historique ! Je martèle Haïti, c’est ma cause. Je sais qu’il est normal mais pas irrémédiable d’oublier… A présent que le tremblement de terre a tout rasé, à nous d’aller à la pêche de l’Histoire, de tirer les filets pour que tout nous revienne.

Propos recueillis par Vanessa Fara

A propos de l'événement

Kouté Chanté
du jeudi 6 décembre 2012 au dimanche 23 décembre 2012
Théâtre d'Ivry Antoine Vitez
1 rue Simon Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine

les 8, 15, 22 décembre à 18 h, les 9, 16, 23 décembre à 16 h, les 12 et 19 décembre à 14 h 30, plus représentations scolaires. Tél : 01 46 70 21 55. Durée : 1h. De 6 à 106 ans.
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