La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Laurent Fréchuret, metteur en scène

Laurent Fréchuret, metteur en scène - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2009

Réveiller sa mémoire pour se réconcilier avec le temps

Deux magiciens, deux générations, deux visions du monde, une transmission de savoirs et de valeurs qui s’effectue à l’insu des principaux intéressés, et au final un grand voyage initiatique qui loue la magie du théâtre, mis en scène par Laurent Fréchuret.

Quel a été le point de départ de cette création ? 
 
Harry Holtzman et Samuel Faccioli, deux acteurs avec qui je voulais travailler à tout prix. Ils sont la base de ce spectacle et donnent même leurs noms au titre. Dorothée Zumstein, qui a magnifiquement traduit Le roi Lear, devient auteur associée cette saison au théâtre, elle écrit là sa première pièce pour enfants. Je lui ai proposé une commande à partir d’improvisations, où auteur, metteur en scène et acteurs travaillent ensemble. J’ai déjà fait trois spectacles avec Harry Holtzman, américain d’origine, qui a travaillé le jeu du clown. Samuel Faccioli, jeune comédien et danseur, a déjà participé à une Odyssée avec Mortel le poème. Leurs improvisations, leurs histoires, ce qu’ils suscitent, leurs corps et leurs voix ont permis de créer un spectacle fantaisiste, surréaliste, délicieusement subversif, à la Lewis Carroll, un de nos maîtres. C’est une fable de magiciens, contée à travers des techniques de clown ou de danseur.
 
Qu’est-ce qui différencie Sam et Harry ?
 
Harry est plus âgé que Sam. Harry est un magicien délaissé de tous, qui a perdu ses pouvoirs. Sam voit les enfants, dialogue avec eux, Harry ne voit qu’une salle vide.Le spectacle raconte une quête : quand et pourquoi Harry a-t-il perdu ses pouvoirs ? Quelle faute a-t-il commise pour que l’esprit de la magie lui ôte ses pouvoirs ? Harry se retrouve dans une chambre couverte de poussière, obsédé par un caillou invisible qui hante toutes les paires de chaussures qu’il peut essayer. Il n’arrive plus à marcher et tombe. Il entreprend d’utiliser sa pauvre condition pour la sublimer, et décide d’enseigner l’art de la chute. De son côté, le jeune fanfaron sûr de lui, au top de son succès de magicien virtuose, entend une voix qui lui donne une mission, celle d’aller à la rencontre de celui qui a tout perdu, son aîné en magie. Le jeune virtuose apprend des choses de celui qui est sublime dans l’échec. On est dans une allégorie sur l’échec et la réussite et en quoi il est bien de ne pas s’enfermer totalement dans l’échec ou la réussite au point d’être aveugle aux autres.
 
« Le spectacle raconte une quête : quand et pourquoi Harry a-t-il perdu ses pouvoirs ? »
 
La fable recèle-t-elle plusieurs niveaux de lecture ?
 
La pièce délivre un message fort de solidarité et de dialogue. Lorsque les âges sont mélangés, les rires n’adviennent pas toujours au même moment, mais se répondent. Une espèce de dialogue se crée, notamment entre les enfants et les parents. C’est émouvant. Les enfants sont souvent plus disponibles que les grands, ils entrent facilement dans le délire que proposent les acteurs.
 
Quel rôle jouent les thèmes du temps et de la transmission dans la pièce ?
 
Ce rôle est très important. Le vieux magicien a perdu ses pouvoirs mais aussi sa mémoire. C’est Sam qui l’aide à retrouver la mémoire. Le jeune fanfaron au début pense que tout se vit au présent, puis il se rend compte que le passé nous aide à vivre au présent et à nous projeter dans l’avenir. Leur rencontre va ressouder les morceaux du temps. Le spectacle se situe dans un arrêt du temps, pour permettre à Sam, qui est toujours dans la course au succès, d’aller sauver un vieux magicien. Une fois l’aventure résolue, le temps redémarre, Harry retrouve le caillou dans sa chaussure, on le voit accoucher de ce caillou comme quelqu’un pourrait accoucher de quelque chose de refoulé. C’est très psychanalytique. Ces personnages à la Keaton, au cœur de la machine théâtrale, donnent aussi naissance à un portrait ému et amoureux de l’alchimie de la scène.


Propos recueillis par Agnès Santi


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