L’expression de la création
Compositeur et chef d’orchestre, Laurent Cuniot a fondé TM+ en 1986. Il nous explique son travail de directeur musical.
Comment TM+ se distingue-t-il parmi les ensembles de musique contemporaine ?
Laurent Cuniot : Ce qui me paraît essentiel, c’est de relier la création au répertoire, de ne pas séparer musique du passé et musique contemporaine. Pour cela, nous cherchons à concevoir des programmes originaux – de la même manière qu’un compositeur écrit une œuvre. La musique contemporaine permet de donner un nouveau souffle aux œuvres du passé.
Quel est le profil des musiciens qui jouent dans l’ensemble ?
L.C. : Les musiciens qui intègrent l’ensemble ont la capacité de jouer différents répertoires. Avec eux, je mène une vraie réflexion sur le son et le style. Il y a peu, l’urgence était principalement de pouvoir exécuter les œuvres. Nous avons aujourd’hui assez de maturité pour penser l’interprétation, l’articulation, le phrasé, la manière de créer des alliages sonores. On ne doit pas s’arrêter de travailler lorsque l’œuvre est mise en place, même si les partitions actuelles sont souvent redoutables techniquement.
La musique contemporaine éclate aujourd’hui en différents courants, du néo-tonal au post-sériel. Quel style d’écriture défendez-vous avec TM+ ?
L.C. : Je m’intéresse à tout ce qui a une singularité et une vraie forme d’invention. Il faut tourner le dos à tous les conformismes, que ce soit celui des compositeurs nostalgiques de l’avant-Schönberg ou au contraire celui des « ultra-radicaux » de l’avant-garde. Entre ces deux extrêmes, il y a une large fourchette, allant de Campo à Hurel, en passant par Manoury, Harvey et bien d’autres… Le répertoire contemporain est très riche.
« Je m’intéresse à tout ce qui a une singularité et une vraie forme d’invention. »
Vous-même, en tant que compositeur, comment vous situez-vous ?
L.C. : Je me sens assez proche de compositeurs comme Mantovani ou Hurel. D’un côté, je suis héritier des avant-gardes des années 50 et 70, de ces mouvements qui ont révolutionné le langage musical, et de l’autre, j’ai la volonté d’opérer une synthèse entre ce que me soufflent les maîtres du passé et les acquis magnifiques de ces avant-gardes.
TM+ est basé à Nanterre. Qu’implique pour l’ensemble une résidence comme celle-ci ?
L.C. : C’est notre 13ème année de résidence à Nanterre. Nous avons développé un rapport privilégié avec le public. D’une part, nous proposons une saison d’au moins cinq concerts à la Maison de la Musique, sur la trentaine que nous donnons ailleurs en France comme à l’étranger. Et d’autre part, nous avons construit une importante action culturelle, en allant à la rencontre des habitants des quartiers de la ville, en nouant des liens durables avec l’Education nationale ou avec le Conservatoire de Nanterre.
Dans sa lettre à la Ministre de la Culture, Nicolas Sarkozy a parlé d’« obligations de résultats » pour les structures subventionnées. Cela vous inquiète-t-il ?
L.C. : Je pense que ce n’est pas une bonne façon de poser le problème. Il est évident que nos musiques ne seront jamais aussi populaires que celles du « showbiz ». Et pourtant, c’est par notre dynamique que naissent les œuvres qui constitueront vraisemblablement le patrimoine de demain. Il me semble que c’est l’honneur d’une politique publique que de favoriser l’épanouissement, l’insertion de ces œuvres dans le temps présent.