La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -286-Théâtre de La Criée à Marseille

La force magique des mots, rencontre avec Macha Makeïeff

La force magique des mots, rencontre avec Macha Makeïeff - Critique sortie Théâtre Marseille La Criée - Théâtre National de Marseille
Macha Makeïeff (© Olivier Metzger) : La metteuse en scène Macha Makeïeff, directrice du Théâtre de La Criée.

Entretien

Publié le 7 août 2020 - N° 286

Soucieuse de ne pas dénaturer ce en quoi elle croit, Macha Makeïeff affirme plus que jamais les valeurs d’un théâtre qui s’invente en se rêvant.

Comment avez-vous vécu la crise sanitaire que nous venons de traverser ?

Macha Makeïeff : Je l’ai vécue comme une période de vérification de ce qui m’est précieux. Nous avons tous été obligés d’opérer un déplacement, un changement de perspectives. Finalement, il est souvent intéressant de regarder un paysage, un objet, un espace en faisant un pas de côté.

De quelle façon La Criée va-t-elle se déconfiner ?

M.M. : Nous allons évidemment respecter les injonctions sanitaires du gouvernement. Mais je me méfie d’une tendance qui pourrait nous amener à instaurer une philosophie banalisée de la méfiance vis-à-vis de l’autre. Je n’imagine pas La Criée comme une grande infirmerie. Pour moi, le théâtre, c’est l’idéal de la proximité, la légitimité de l’anonymat. On ne doit pas vous demander qui vous êtes pour pouvoir assister à un spectacle. Nous allons donc trouver une ligne de crête entre respect des règles sanitaires et affirmation des spécificités de ce qu’est un théâtre. Je suis de nature optimiste. Je pense que la situation sanitaire nous permettra de rouvrir le théâtre après l’été comme nous le faisons habituellement (ndlr, entretien réalisé en juin 2020). Mais s’il devait en être autrement, nous avons un plan B qui nous permettrait de ne pas tomber dans une relation de dispensaire avec le public. L’idée serait alors de s’inspirer des propositions de cabaret, d’inviter les spectateurs à assister aux représentations en s’asseyant à des tables.

Pourquoi, avant même l’épidémie que nous venons de traverser, avez-vous choisi d’intituler cette nouvelle saison « Les Joies Souveraines » ?

M.M. : Je souhaitais affirmer l’idée d’une maison de théâtre au sein de laquelle s’expriment à la fois la réjouissance et l’excellence. Je crois dans la force des mots de conviction, dans leur pouvoir magique. On affirme quelque chose et cette chose a lieu : comme au théâtre, finalement.

« Je crois dans la force des mots de conviction. »

Quelles sont les grandes lignes de cette programmation joyeuse ?

M.M. : Quelque chose d’assez fort se dessine à travers des regards politiques à la fois profonds et amusés, qui éclairent la place que l’on occupe dans le monde, notre relation à l’autre mais aussi à notre environnement. Nous accueillerons ainsi deux journées de performances, de projections et de discussions intitulées The Sea : Sounds & Storytelling, dans le cadre de l’édition 2020 de la biennale européenne itinérante Manifesta, qui se tient cette année à Marseille. A côté des artistes qui regardent comment ça marche — et comment ça ne marche pas — d’autres s’emparent de mythes. Cette nouvelle saison est traversée par le politique, l’organique, le spirituel. Il y a aussi le féérique, la fantaisie, la magie. Et la virtuosité, que j’aime non pour ce qu’elle peut avoir de purement technique, mais pour l’état de grâce artistique qu’elle révèle.

Vous signez vous-même, avec Philippe Geslin, le quatrième volet du programme Les Ames Offensées en mettant en scène un nouveau spectacle ethnographique intitulé Les Hadza Cueilleurs d’eau*

M.M. : Oui, les Hadza sont des chasseurs-cueilleurs de Tanzanie qui continuent de vivre comme leurs ancêtres le faisaient il y a des millénaires. Ils incarnent une culture et des savoirs extrêmement forts. Philippe Geslin est un penseur de terrain qu’il me semble essentiel de donner à voir et à entendre afin de réfléchir à notre présence organique au monde. Avec sa voix et ses carnets, avec son corps d’ethnologue qui parcourt la planète, il nous fait voyager.

Vous recréez également, à Aix-en-Provence, votre exposition Trouble Fête

M.M. : J’aime m’installer dans différents lieux et donner à voir mes récits de façons différentes. Les spectacles immobiles que constituent les expositions sont pour moi des échos indissociables aux créations de théâtre que je mets en scène. Trouble Fête est ainsi un écho à Lewis versus Alice, que j’ai créé au Festival d’Avignon en 2019. Je crois dans la force poétique de l’immobilité. Le regard du spectateur, en déambulant, complète le récit de cette traversée sensible dans une maison hantée d’objets bienveillants.

Propos recueillis par Manuel PIolat Soleymat

A propos de l'événement

Les Hadza Cueilleurs d’eau
du mardi 16 mars 2021 au samedi 20 mars 2021
La Criée - Théâtre National de Marseille
30 quai de Rive Neuve, 13007 Marseille.

Exposition Trouble Fête Du 14 mai au 19 septembre.

Tél. 04 91 54 70 54.

www.theatre-lacriee.com

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