Directeur du Théâtre Am Stram Gram depuis 2021 à la suite de Fabrice Melquiot, Joan Mompart déploie les activités du théâtre depuis l’enfance. Un théâtre à l’écoute des préoccupations et des rêves de la jeunesse, joyeusement tourné vers un futur à inventer, ensemble.
De quelle manière le Théâtre Am Stram Gram s’adresse-t-il à l’enfance et la jeunesse ?
Joan Mompart : Nous sommes attachés à mettre en œuvre un nouveau paradigme : nous ne sommes pas une institution qui s’adresse à l’enfance et la jeunesse, mais plutôt une institution qui dialogue avec l’enfance et la jeunesse. En tant qu’adultes travaillant dans un service public, donc au service de notre public, nous veillons à pratiquer l’écoute de la jeunesse avec d’immenses oreilles. Je vois Am Stram Gram comme un être vivant doté d’organes de réception qui captent la parole et les états d’être de la jeunesse. Lorsque nous initions un chantier de création avec un artiste, l’une des premières choses que nous abordons est la forme de dialogue qu’il ou elle souhaite instaurer avec le public. Nous nous attelons ainsi à cultiver tout au long de la saison une relation horizontale avec les jeunes. L’expérience nous montre que ces derniers ont une capacité de transformation : le regard de l’enfance et la jeunesse change l’art. Je me souviens d’un grand artiste qui après la première mitigée d’une de ses créations dédiée à la jeunesse avait au fil des représentations transformé l’objet théâtral autant que sa relation au jeune public. Nous sommes un centre de création aux aspirations humanistes : par les arts vivants, nous essayons humblement de créer des espaces de dialogue augmenté.
« Le regard de l’enfance et la jeunesse change l’art. »
Comment ce dialogue se traduit-il ?
J.M. : Nous baignons dans un bouillon de culture où les cheminements avec les artistes, les actions culturelles, les actions de médiation avec le territoire, etc. en appellent constamment au public afin d’être modifiés. Outre nos six productions artistiques, programmées au théâtre et pour certaines dans l’espace public, nous mettons en place une pluralité de dispositifs de proximité qui permettent de faire communauté en valorisant les différences, qui font naître une paix de l’intime, dans lesquels il ne s’agit pas de “faire bien“ mais de faire selon qui on est. Les agoras nomades s’affirment comme un outil formidable explorant des questions qui animent la jeunesse, mobilisant des artistes, des scientifiques, des experts, des enfants et des jeunes, suscitant des débats et un dialogue intergénérationnel féconds. Tapis Rouge met en place des actions et ateliers dans des foyers d’exilés, créant des allers-retours entre cultures, impliquant en particulier une quinzaine de mineurs non accompagnés dans un projet au long cours. Le dialogue par les arts a cette capacité de tisser des liens entre les cultures en un geste réparateur, mais surtout en un geste dynamisant, créatif, où les jeunes sont vus autrement que par le prisme parfois réducteur de leurs histoires d’exils. À Am Stram Gram, la dimension participative évite tout formatage, déjoue les impostures et invite à se laisser surprendre. Il faut pouvoir rester fou face aux normes !
Propos recueillis par Agnès Santi
