L’Argentine et l’Espagne au TnBA
En 2015/2016, Claudio Tolcachir, Helena [...]
Focus -235-Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / Saison 2015~2016
Sous la direction de Julien Villa, la Compagnie Vous êtes ici crée J’ai dans mon cœur un General Motors. Une farce moderne conçue à partir d’une écriture collective.
Comment pourriez-vous caractériser votre territoire artistique ?
Julien Villa : Je ne pense pas les choses en terme de territoire, car à ce stade achevé de la société du spectacle je dirais plutôt que nous avançons en « territoire occupé » – les images, les logiques marchandes et l’opinion publique ayant colonisé les chambres à coucher, depuis plusieurs générations. Je parlerais donc d’un théâtre d’obsessions, qui se défie du spectateur plus qu’il ne s’en inquiète. Je trouve insupportable ce souci permanent du spectateur. Comme si nous n’étions pas dans une société qui ne produit que des spectateurs, justement. Je parlerais, en ce sens, d’un théâtre de la cruauté, obsédé, qui, comme le faisait Carmelo Bene, se cache pour jouer plus fort.
Quels questionnements nourrissent J’ai dans mon cœur un General Motors ?
J. V. : Nous travaillons sur la société capitaliste, ses rapports sociaux et les masques qu’elle produit. Nous nous concentrons, ici, sur l’industrie automobile de Detroit dans les années 1960, Motown, Diana Ross et le Black Panther Party. Motown signifie Motor-Town, le surnom de Detroit à cette époque. Berry Gordy, son P.-D.G., après avoir été ouvrier dans les usines Ford, eut l’idée de produire des chansons d’amour comme on produit des voitures : à la chaîne. Il est l’un des premiers exemples de « capitalisme noir », contribuant à mettre en échec la révolution sociale engagée aux Etats-Unis par le Black Panther Party. Nous trouvons passionnant de raconter l’histoire d’esclaves libérés des champs de coton, devenant esclaves dans les usines automobiles.
Quelle trame narrative cette création suit-elle ?
J. V. : La répétition l’écrira. Mais il est possible que l’action se déroule dans la famille de Berry Gordy, en 1968. Il y aura Diana Ross, Etta James, un jeune révolutionnaire noir de Chicago… Tous seront des masques de bouffons : père, mère au foyer, petite fille obèse, grand-père dans un fauteuil en osier… Nous jouerons la famille en tant que « lieu commun », c’est-à-dire lieu où tout le monde se trouve, se cache et se reconnaît. La famille en tant que « morceau de nation ». Nous travaillons à construire une farce moderne.
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
TnBA – Théâtre du Port de la Lune, & Estba – Ecole supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine, place Renaudel, 33000 Bordeaux. Tél. : 05 56 33 36 80.
En 2015/2016, Claudio Tolcachir, Helena [...]