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Imomushi : Un théâtre de l’ailleurs

Imomushi : Un théâtre de l’ailleurs - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2009

Après la légende du Golem et celle des Mille et Une Nuits*, la Compagnie Pseudonymo adapte Imomushi, une nouvelle d’Edogawa Ranpo (1894-1965). Fidèle à l’univers esthétique de ses précédents spectacles, David Girondin Moab a conçu une plongée dans les eaux troubles et profondes de ressassements intimes.

De créations en créations, David Girondin Moab semble se diriger vers toujours plus de noirceur et de silence, vers toujours davantage de radicalité et de dépouillement. Dix ans après la fondation de la Compagnie Pseudonymo, le metteur en scène et scénographe investit une nouvelle d’Edogawa Ranpo, l’un des écrivains emblématiques de la littérature policière et fantastique japonaise du XXème siècle. Imomushi (La Chenille, écrite en 1929) présente la relation obscure et ambiguë unissant Tokiko à son époux, le lieutenant Sunaga, un officier revenu de la guerre lourdement mutilé et totalement impotent. C’est toute la complexité de ce rapport de couple fondé sur d’étranges enjeux de désir et de pouvoir, de souffrance et de frustration, qu’investit la représentation conçue par la Compagnie Pseudonymo. A travers de rares éclats de texte (qui résonnent comme les ressassements intimes d’une jeune femme claquemurée autant à l’intérieur d’elle-même qu’à l’intérieur d’une existence d’abnégation), David Girondin Moab, les comédiens Geoffroy Barbier et Angélique Friant, les marionnettistes Gabriel Hermand-Priquet et Virginie Schell, donnent naissance à un théâtre de l’ailleurs : un théâtre de l’opacité, de l’incertitude, un théâtre de rêveries intranquilles et de saisissements fantasmagoriques.
 
Le temps suspendu d’un songe étrange et ténébreux
 
« Ici, les mots ne viennent que lorsqu’il est nécessaire de parler, explique le jeune metteur en scène au sujet d’Imomushi. La présence monstrueuse du lieutenant Sunaga irradie le plateau. Il est à lui seul le contenu et le contenant de toute l’histoire : de celle qu’il a vécue et que son corps résume, de celle qu’il contient et qui nous est racontée par le souvenir de Tokiko. » Représenté par un objet marionnettique d’un réalisme inquiétant, ce personnage sourd et muet, privé de ses quatre membres, constitue le point central de cette réflexion sur la souffrance, sur la claustration et la monstruosité. Un point central dont Tokiko, offrant la perspective de sa propre douleur, de son propre enfermement psychique, de ses propres pulsions sadiques, apparaît comme une sorte de double, double lui-même monstrueux. C’est un huis clos à trois d’une grande beauté (Tokiko et Sunaga vivent sous les regards impudiques d’un général) qu’a élaboré David Girondin Moab à partir de la nouvelle d’Edogawa Ranpo. Un huis clos obsessionnel à travers lequel le directeur artistique de la Compagnie Pseudonymo continue d’envisager le plateau de théâtre comme un endroit de jaillissements poétiques, un endroit de questionnements sur la nature du vivant et les soubassements de la vie.
 
Manuel Piolat Soleymat


* Spectacles programmés, en 2006 et 2007, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis.
 
Imomushi, d’après une nouvelle d’Edogawa Ranpo ; mise en scène et scénographie de David Girondin Moab. Spectacle créé à La Salamandre – Scène Conventionnée de Vitry-le-François en novembre 2008. Reprise le 16 janvier 2009 au Théâtre Louis-Jouvet de Rethel ; le 12 mai 2009, au Théâtre de la Madeleine de Troyes ; le 15 mai au Théâtre de Saint Pierremont de Mancieulles.
 

Contact : Compagnie Pseudonymo, 16, rue de Clairmarais, 51100 Reims ; tél. : 06 65 07 06 62 ; email : pseudonymo@hotmail.com ; site : www.pseudonymo.eu

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