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Focus -274-Théâtre national de Nice

Hamlet Requiem d’après William Shakespeare, mis en scène par Cyril Cotinaut

Hamlet Requiem d’après William Shakespeare, mis en scène par Cyril Cotinaut - Critique sortie Théâtre Nice Théâtre National de Nice
Le metteur en scène Cyril Cotinaut. Crédit : DR

Entretien / Cyril Cotinaut
D’après William Shakespeare / mes Cyril Cotinaut

Publié le 19 février 2019 - N° 274

Le metteur en scène Cyril Cotinaut revisite Hamlet en explorant la relation complexe qu’entretient l’être humain avec la mort.

Que souhaitez-vous éclairer de notre présent à travers cette nouvelle version d’Hamlet ?

Cyril Cotinaut : Quelques répliques d’Hamlet peuvent répondre à la question : « L’époque est hors de ses gonds » ; « L’homme ne m’enchante plus ». A chaque époque – pas seulement la nôtre – s’élève un Hamlet pour dire que quelque chose ici-bas fonctionne mal. A travers cette pièce, j’ai cherché à comprendre non pas ce qui clochait dans notre époque, mais ce qui cloche à toute époque. Ce que j’ai découvert au plus profond du texte a conditionné la traduction et l’adaptation de la pièce : l’homme ne sait pas quoi faire de la mort. Sans cesse il cherche à concilier un passé construit par ses ancêtres, un présent furtif qui lui appartient, duquel il veut jouir, et un futur incertain, à coup sûr funeste, qui se fera sans lui. L’homme qui s’inscrit uniquement dans le temps présent, ne prend pas en compte ce qui l’a précédé et ne se soucie pas de ce qui le suivra. Il brise la chaîne qui le lie au reste de l’humanité, vit comme si le monde avait commencé avec lui et devait mourir en même temps que lui. Son époque devient angoissante, car la perspective de la mort devient prégnante.

Plutôt que la fable, vous investissez la dimension philosophique de la pièce de Shakespeare…

C. C. : J’ai vu plusieurs mises en scène d’Hamlet, très différentes les unes des autres. Polonius déclare qu’il faut se laisser conduire par les circonstances pour saisir la vérité. J’ai souhaité éviter de choisir parmi les circonstances qui viennent éclairer l’histoire sous un nouveau jour, car ce choix contraint à des variations de la fable plutôt qu’à révéler une dimension philosophique, peut-être plus universelle, qui justifie la place qu’occupe Hamlet parmi les mythes modernes, aux côtés de Don Juan, Don Quichotte et Faust. J’ai donc fait le choix d’annuler la fable afin de me concentrer sur la question qui ouvre la pièce : « Qui est là ? ».

« A chaque époque (…) s’élève un Hamlet pour dire que quelque chose ici-bas fonctionne mal. »

Quelles sont les grandes lignes de votre mise en scène ?

C. C. : J’ai proposé à quatre acteurs – deux garçons, deux filles – de créer une variation où chacun est Horatio, l’ami à qui Hamlet mourant confie le soin de raconter son histoire, considérant que c’est par le théâtre et par les acteurs qu’Hamlet souhaite continuer à vivre. A travers les mots de Shakespeare, chacun d’entre eux tente d’aborder la figure d’Hamlet. Ils cherchent à l’incarner, c’est-à-dire à prêter leur corps et leur voix à un esprit, à cohabiter avec lui. Le spectacle est donc le processus par lequel l’acteur permet au mort de revivre parmi les vivants le temps de la représentation. Ce mort, en réalité, c’est Shakespeare, Hamlet étant une part de l’esprit de l’auteur…

Depuis votre sortie du département de mise en scène de l’ENSATT, en 2008, vous travaillez essentiellement sur des classiques. Qu’est-ce qui vous lie à ce répertoire ?

C. C. : Les quatre années que j’ai passées auprès d’Anatoli Vassiliev à l’ENSATT ont été décisives. Plus qu’une finalité, le théâtre est devenu une passerelle vers une plus grande compréhension du monde et de l’homme. A travers Hamlet, j’ai enfin compris pourquoi j’ai toujours été très lié au répertoire classique. Car mon théâtre s’inscrit dans une continuité qui relie trois hommes : l’auteur, qui est mort ; l’acteur, qui vit ; le spectateur, qui vivra et sortira du théâtre avec un regard plus éclairé sur le monde. L’acteur tisse au présent une relation entre passé et futur. Pourtant éphémère, le théâtre a donc un lien très profond avec l’immortalité, l’acteur permettant à l’esprit d’un autre – qui ne vit plus ou n’a jamais vécu – de s’incarner. C’est très métaphysique quand on y pense !

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Hamlet Requiem d’après William Shakespeare, mis en scène par Cyril Cotinaut
du mercredi 27 mars 2019 au samedi 30 mars 2019
Théâtre National de Nice
Centre Dramatique National, Promenade des Arts, 06300 Nice.

Théâtre national de Nice,

Centre Dramatique National, Promenade des Arts, 06300 Nice.

Du 23 mars au 13 avril 2019.

Tél : 04 93 13 79 60.

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