Entretien / Michel Piquemal
Découvreur de répertoires Le chef et [...]
Focus -206-Chœur régional Vittoria d’Ile de France
Michel Piquemal dirige en février une messe retrouvée du compositeur Martial Caillebotte, qu’il vient d’enregistrer.
Le nom de Caillebotte n’est pas inconnu des amateurs d’art : on associe souvent au mouvement impressionniste Gustave Caillebotte (1848-1894), qui exposa en 1876, aux côtés de toiles de Monet, Renoir ou Sisley, ses Raboteurs de parquet, refusés l’année précédente au « Salon » de l’Académie des Beaux-Arts. La trace laissée dans l’histoire des arts par son frère cadet Martial est bien moins visible. Il n’est certes pas évident de passer à la postérité quand, comme Martial Caillebotte (1853-1910), on est le contemporain de Claude Debussy – qu’il côtoie au Conservatoire dans la classe d’Antoine-François Marmontel – et que l’on publie finalement fort peu. Rentier aisé, il resta quelque peu en marge du bouillonnement de la vie musicale parisienne, s’adonnant plutôt à son autre passion, la photographie, et à l’intense activité de collectionneur (principalement de faïences et de timbres-poste) qu’il menait avec son frère. La résurrection de la Messe solennelle de Pâques de Martial Caillebotte a donc tout d’une belle surprise. L’œuvre fut créée le dimanche de Pâques, en avril 1896, en l’église Notre-Dame-de-Lorette où officiait l’abbé Alfred Caillebotte, demi-frère du compositeur. C’est, du reste, l’une de ses rares partitions dont on garde le témoignage certain d’une exécution publique. La messe ne fut jamais rejouée jusqu’à ce que le baryton Benoît Riou en redécouvre la partition autographe chez les héritiers du compositeur.
Clarté française et esprit wagnérien
Michel Piquemal a alors décidé de redonner vie à cette œuvre – de « délivrer les choses écrites », pour reprendre la belle formule de Benoît Riou – dont il a retenu la version pour solistes, chœur, cordes, harpes, trombones, trompettes et orgue (une autre existe, sollicitant un plus grand orchestre). L’enregistrement, qui vient de paraître chez Sisyphe, permet d’apprécier une musique magnifiquement écrite pour les voix. L’œuvre, de grandes proportions (une heure de musique), suit la structure classique de la liturgie mais le traitement musical, sans être révolutionnaire, est « plein de nouveautés », comme le souligne Benoît Riou. La clarté générale du discours musical, jamais surchargé, semble avoir été l’objet de toute l’attention du compositeur, qui confère à sa messe une couleur et une transparence, bien dans l’esprit des musiciens français de l’époque, Fauré ou Debussy. Bien dans l’esprit de l’époque est aussi la fascination de Martial Caillebotte, qui a fait deux fois le voyage de Bayreuth, pour l’univers musical wagnérien – au point que l’on peut véritablement parler de leitmotive dans la Messe solennelle. Après l’enregistrement, restait à faire résonner de nouveau l’œuvre dans un espace à sa mesure et en public. C’est ce que propose Michel Piquemal en dirigeant le Chœur Vittoria, associé comme pour le disque à l’Orchestre Pasdeloup, en l’église Saint-Eustache, puis à Yerres, lieu de vie des Caillebotte. Pour ces concerts, le chef fait précéder la Messe de Caillebotte du Requiem d’un autre oublié, Joseph-Guy Ropartz, qu’il a largement contribué à faire redécouvrir depuis plus de vingt ans.
Jean-Guillaume Lebrun