La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Fargass Assandé

Fargass Assandé - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2008

Le jeu masqué des désirs

« N’zassa », en dialecte africain, pagne de raboutage, fait de morceaux différents… C’est ainsi que Fargass Assendé a nommé sa compagnie, pour tisser ensemble les différences et les cultures. Le metteur en scène ivoirien présente aujourd’hui Quartett d’Heiner Müller avec des acteurs africains.

Quartett prend-il des résonances particulières dans le contexte africain ?
Fargass Assandé : Il évoque le lien social et ses effets destructeurs sur l’individu. Il stigmatise le rapport au pouvoir, au sexe, à la femme toujours asservie et chosifiée… C’est aussi le miroir d’une société décadente qui veut ignorer ou dissimuler cette dégénérescence. Toutes ces réalités demeurent encore aujourd’hui. Ce jeu de rôle est la base même du fonctionnement politique, professionnel, économique et social. Et l’Afrique excelle dans cette obsession du masque. Ce fantasme terrible de domination tenaille les dignitaires africains qui craignent le changement et se réfugient qui, derrière les oripeaux de la vertu religieuse ou cultuelle, qui dans la violence de l’armée ou du pouvoir qu’ils contrôlent. C’est aussi le lieu où la femme reste bafouée et dépourvue de droits.
 
Quartett évoque également la question de Dieu…
F. A. : L’Afrique est aujourd’hui, un carrefour de civilisations. Comme partout dans le monde, les influences extérieures provoquées par les flux migratoires fécondent des cultures et modes de vie hybrides qui brisent les carcans traditionnels, cultuels et religieux. Aujourd’hui, la loi est athée, Dieu est présent, mais moins radical, et le réseau de contraintes et de spiritualité bousculé. Les fondamentaux ont disparus pour céder la place à un nouveau code moral fait de domination et de jouissances immondes. Comme dans Quartett, Dieu est impuissant face au néant qui guette les humains. Les hommes ont choisi l’enfer. Les Africains ne réfutent pas l’idée de Dieu, mais ils blasphèment et s’émancipent du poids de l’Eglise et des cultes. Ils jouissent du péché.
 
« Nous axerons notre travail sur l’érotisme et la sensualité. »
 
Comment mettre en scène le jeu des désirs ?
F. A. : L’Afrique depuis toujours, exhibe, célèbre le corps mais le sacralise au point d’en faire un tabou inviolable. Nous axerons notre travail sur l’érotisme et la sensualité, en jouant sur les codes amoureux et la suggestion. Mais dans Quartett, la froideur de la jouissance dévoile la souffrance dans la relation de domination qui épanouit les protagonistes.
 
Quels sont les axes de travail que vous privilégiez ?
F. A. : L’émotion traverse les êtres et les frontières. Seul doit être pris en compte l’humain d’où qu’il vienne, avec sa perversité, ses désirs, ses mutations mais aussi son environnement et ses croyances. Nous cherchons à projeter ce conflit de société sur le continent noir, symbole de conservation, mais aussi, lieu de mutation sans cesse répétée. Cette délocalisation induit indubitablement une influence sur les costumes et les décors, et déterminera aussi les codes du libertinage, des transgressions. Nous voulons produire des expériences avec des corps ancrés dans des rites différents qui inévitablement vont interagir avec la poésie crue de Quartett.
 
Propos recueillis par Gwénola David


Quartett, de Heiner Müller ; mise en scène de Fargass Assandé. Du 20 avril au 7 mai 2009, à 20h30 sauf les mercredis et jeudis à 19h30. Théâtre des Cordes.

A propos de l'événement



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