LE BARON TZIGANE
Pour les fêtes de fin d’année, la savoureuse [...]
Focus -258-Grand Théâtre de Genève, Opéra des Nations.
Le jeune acteur et metteur en scène, révélé par un formidable Henry VI de Shakespeare, signe la production de Fantasio d’Offenbach et s’affirme comme l’un des grands noms de l’opéra de demain.
Les metteurs en scène d’opéra n’ont plus le monopole sur leur champ de manœuvres. Faire appel aux gens de théâtre est depuis bien longtemps une ressource que les maisons d’opéra utilisent pour renouveler les lectures qui, sinon, risqueraient de s’enliser dans le confort des habitudes. Au début, cela détonne, mais cela peut aussi, d’un seul coup, débloquer les horizons du théâtre lyrique – Patrice Chéreau en sut quelque chose, après sa mise en scène de la Tétralogie wagnérienne au Festival de Bayreuth. Thomas Jolly sera-t-il demain l’un des grands metteurs en scène de théâtre appelés à secouer le monde de l’opéra ? On peut le supposer. C’est en tout cas le pari qu’ont fait les coproducteurs de ce Fantasio d’Offenbach – l’Opéra-Comique à Paris, le Grand Théâtre de Genève, ainsi que les Opéras de Rouen, Montpellier et Zagreb. Tobias Richter et Daniel Dollé, respectivement directeur et dramaturge du Grand Théâtre de Genève, eux-mêmes metteurs en scène, savent ce qu’il faut insuffler de vent nouveau pour faire vivre plus fort cet être gigantesque et fragile qu’est une production d’opéra, mais sans lui faire perdre son équilibre. Dans le théâtre de Thomas Jolly, et tout particulièrement dans ses mises en scène des immenses fresques historiques de Shakespeare, ils ont vu combien le jeune metteur en scène est capable de faire vivre en même temps tout un plateau, sans le lisser ni l’uniformiser, en attirant au contraire le regard et l’oreille du spectateur, en aiguillonnant son attention.
User des codes contemporains de la narration
Thomas Jolly use explicitement des codes contemporains de la narration, ceux notamment des séries télévisées. Mais ce n’est pas là un effet de mode ou une transposition comme fin en soi : il le fait parce que cela fonctionne, parce que cela souligne les pleins et les creux qui ne manquent jamais de se côtoyer sur un plateau de théâtre. À l’opéra – et la mise en scène d’Héliogabale de Cavalli réalisée par Thomas Jolly à l’Opéra de Paris en 2016 en est une belle illustration –, il peut aussi se permettre de manipuler les jeux croisés de la scène et de la musique, ce que le (bon) cinéma fait depuis toujours. À vrai dire, avec Fantasio, opéra-comique méconnu d’Offenbach, antichambre des Contes d’Hoffmann, Thomas Jolly retrouve ce qu’il aime : un texte fleuve, pas toujours théâtral a priori (le livret est une adaptation de la pièce de Musset par son frère), qu’il faut mettre en musique même lorsque la musique est absente. Le metteur en scène y montre qu’il sait apprivoiser le rythme, sans chercher à voiler les langueurs et la mélancolie.
Jean-Guillaume Lebrun
Tél : +41 22 322 50 50.
Site : www.geneveopera.ch
Pour les fêtes de fin d’année, la savoureuse [...]