La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -149-Domaine départemental de Chamarande en Essonne / Spectacles gratuits en plein air

Entretien Boris Charmatz : l’électricité des soirées brutes

Entretien
Boris Charmatz : l’électricité des soirées brutes - Critique sortie Danse

Publié le 10 juin 2007

L’un, Boris Charmatz, est danseur et chorégraphe, en rupture avec les
attendus de l’art chorégraphique, l’autre, Médéric Collignon, est cornettiste de
poche et vocaliste, virtuose du jazz contemporain. Une rencontre de haute
tension !


Pourquoi Médéric Collignon ?

Boris Charmatz : David Lescot, mon professeur épisodique de bugle, m’a
parlé de lui. Étant moi-même un piètre souffleur amateur, je me suis dit que la
meilleure place pour l’entendre serait d’être juste à côté de lui, sur scène. On
m’a bien mis en garde néanmoins : cet artiste bouffe le plateau et je risque
d’être relégué dans un coin? Mais j’adore les coins !

Comment concevez-vous ici la relation de la musique et de la danse ?

B. C. : Le sujet, balisé à l’extrême, est habituellement assez
soporifique. Lors des improvisations, les musiciens ne sont pas là pour faire la
bande-son. Ils sont au moins aussi voyants et agités que les danseurs. Par
ailleurs la danse fait toujours des bruits de forge ! Dès qu’on bouge, les
tuyaux corporels produisent de sacrés rythmes ! Le concert avec Médéric
Collignon ne sera pas seulement une relation mise en scène, mais une
confrontation, au minimum, une action incisive où ce qui est en jeu reste
incertain : danse et musique, ou bien plutôt peur, trouble, suspens, rage ?

Comment envisagez-vous le fait de jouer en extérieur ?

B. C. : Il m’arrive de prendre un micro débranché, dans un petit théâtre,
et de m’adresser au public comme devant une gigantesque foule rassemblée dans un
stade pour un grand meeting politique. C’est jouissif de considérer le théâtre
fermé comme un lieu de plein air, un véritable espace public. Au fond, j’aime
les espaces inappropriés : pour improviser, les pires difficultés s’avèrent
stimulantes.

« J’aime les espaces inappropriés : pour improviser, les pires
difficultés s’avèrent stimulantes. »

Quel est le rôle de l’improvisation dans votre processus de travail ?

B. C. : Je travaille quelquefois avec des danseurs dont l’improvisation
est devenue la raison d’être. Mais je me considère plutôt comme un amateur, un
chien fou qui, de temps à autre, observe les conditions du jour. Je prépare
parfois une pièce pendant deux ans, et ces moments d’improvisation m’offrent
l’occasion de côtoyer des artistes qui ne pourraient pas s’engager sur de si
longues périodes. J’adore l’électricité de soirées brutes comme celles-ci ; je
m’y sens moins chorégraphe qu’interprète, un peu comme quand je danse pour
d’autres chorégraphes : je suis au service d’un art qui ne m’appartient pas.

Vous aimez remettre en cause les règles et codes de la représentation. Qu?en
est-il ici ?

B. C. : L’improvisation ne m’apporte pas le meilleur espace de
composition, fût-elle instantanée. Je la considère plutôt comme un espace de
décharge, un déversoir. D’ailleurs je ne m’interdis pas de puiser dans tout ce
qui passe à portée, fût-ce des gestes connus, historiques, ou écrits. Médéric
Collignon lui aussi gère les sons dont il n?arrive pas à se débarrasser. Nous
sommes alors moins des inventeurs de règles et de codes nouveaux que des
fossoyeurs aux prises avec des sons, des formes, des structures parfois
archaïques, qui ne veulent pas se laisser enterrer. Dans ces moments, cela
résiste de toute part, mais il y a matière à travailler.

Propos recueillis par Gwénola David

Improvisation, par Boris Charmatz et Médéric Collignon. Le 8 juillet à
15h30.

A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur la Danse

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur la Danse