La Terrasse

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Entretien Marc Paquien, metteur en scène La Dispute : Raconter le théâtre

Entretien Marc Paquien, metteur en scène

La Dispute : Raconter le théâtre - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 novembre 2006 - N° 142

Hier Witkiewicz, Crimp et Synge, aujourd’hui Marivaux. Marc Paquien porte à
la scène des territoires poétiques ambitieux qu?il confronte à l’inventivité de
ses comédiens. Une volonté de jouer à jouer en racontant le théâtre à laquelle
La Dispute offre un champ d’expérimentation fantasque et ludique.

Après Le Baladin du monde occidental, qu’est-ce qui vous a donné envie
d’investir le théâtre de Marivaux ?

Marc Paquien : Ce qui m’intéresse en premier, au théâtre, c’est la
rencontre du comédien et du langage, c’est de travailler la langue par le jeu.
Et il se trouve que Marivaux est l’auteur le plus emblématique de cela. D’abord,
parce qu’il a écrit son théâtre pour des troupes d’acteurs, et surtout parce
qu’il a inventé, pour eux, une langue extrêmement singulière qui se place, par
certains aspects, aux confins de l’abstraction. Pour rendre compte de cela, pour
travailler sur cette langue d’une richesse inouïe, j’ai choisi La Dispute,
une pièce sur le déploiement du langage et l’invention de l’individu qui
représente une sorte de condensé de tout le théâtre de Marivaux.

Qu?entendez-vous par là ?

M. P. : Dans La Dispute, quatre jeunes gens sont plongés dans un
monde où ils vivent, en quelques scènes, à peu près tout ce que peuvent vivre
les personnages de Marivaux. Ces quatre adolescents, qui ont été isolés du reste
de la société à leur naissance, sont un jour mis en présence les uns des autres,
tombent amoureux et deviennent infidèles. Cette forme d’expérimentation
anthropologique vise à savoir qui, de l’homme ou de la femme, a commis la
première infidélité amoureuse. Bien sûr, tout ceci fait écho à quelques-uns des
principaux questionnements du XVIIIème siècle : qu’est-ce que l’origine,
qu’est-ce que l’inné et l’acquis, l’homme est-il corrompu par nature? ?

«   Dans La Dispute, rien ne se résout, rien ne
s’éclaircit. »

Questions auxquelles Marivaux n?apporte aucune réponse?

M. P. : Non, et c’est quelque chose que je trouve extrêmement émouvant.
Toutes ces interrogations débouchent sur un vide absolument incroyable. Dans
La Dispute
, rien ne se résout, rien ne s’éclaircit. Je crois d’ailleurs que
c’est précisément là que se situe le théâtre de Marivaux, dans cette sorte
d’exclamation et de perplexité permanentes, cet étonnement perpétuel devant le
monde. Ses personnages ne savent jamais quel va être leur avenir ou ce qui est
en train de leur arriver. Cet être a conscience d’exister, mais ne sait pas sur
quoi se fonde cette existence. Et donc, à partir de là, il ne lui reste plus
qu’à s’inventer.

Quel univers scénique avez-vous, vous-même, inventé pour accueillir ces
personnages ?

M. P. : Sur le plateau, ce qui m’intéresse avant tout, c’est de faire
travailler l’imaginaire des acteurs et des spectateurs. C’est pour cela que je
ne cherche jamais à traduire la modernité d’une pièce à travers une vision
illustrative. Ce que je souhaite, c’est raconter le théâtre, imaginer comment
une troupe s’empare d’un texte et le réinvente avec des éléments scéniques qui
appartiennent de près ou de loin à l’époque de l’écriture. Ainsi, le décor conçu
par Gérard Didier n?est pas du tout réaliste. Il s’agit d’un espace de fiction
fou qui représente un ?il géant regardant la scène. Il me semblait important de
créer un monde abstrait révélant une certaine idée du XVIIIème siècle sans pour
autant raconter une époque. Car, pour moi, mettre en scène La Dispute, ce
n?est pas illustrer un siècle particulier mais découvrir comment quatre jeunes
gens que l’on a éduqués en dehors du monde vont, peu à peu, en découvrant la
société, vieillir prématurément et participer à un effondrement de la vérité par
le jeu de leurs sentiments amoureux.

 

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

La Dispute, de Marivaux ; mise en scène de Marc Paquien. Du 1er au 4
février 2007.

A propos de l'événement



La Criée?Théâtre National de Marseille, 30 quai de Rive Neuve, 13284 Marseille Cedex. Tél : 04 91 54 70 54.

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