Focus -208-Théâtre Dijon Bourgogne
Entretien Benoît Lambert
S’inventer une communauté de destin
Le nouveau directeur du Théâtre Dijon Bourgogne reprend le flambeau de Théâtre en mai, entre continuité et renouvellement, avec le projet de faire de ce temps de rencontres un espace de création.
« Montrer un état du champ théâtral actuel, avec l’espoir qu’il soit enthousiasmant. »
Pourquoi cette fidélité à l’échange entre « jeunes pousses » et « vieux maîtres » ?
Benoît Lambert : Avec François Chattot, évidemment, avec Pierre Debauche, mon premier maître, un vrai pédagogue libertaire qui a formé un nombre considérable d’artistes, mais aussi avec Pierre Ascaride, Jean-Pierre Vincent, Jean-Louis Hourdin, j’ai fait des rencontres qui m’ont fait gagner un temps fou ! Le milieu théâtral français est organisé par blocs et vagues générationnelles. On sort en bandes des écoles, et il faut un certain temps pour mélanger les générations. Je trouve normal et naturel de donner l’occasion aux « jeunes pousses » (expression que Chattot avait empruntée à René Gonzales, lui aussi très attaché à l’idée de transmission et de partage), de rencontrer des maîtres aguerris. Mais j’ai aussi envie d’une nouvelle inflexion, afin que le rapport entre vieilles branches et jeunes pousses change ! Ainsi, cette année, nous accueillons onze jeunes compagnies sur les quatorze spectacles programmés.
Comment les avez-vous choisis ? Qu’est-ce qui les caractérise ?
B. L. : J’ai rassemblé plusieurs jeunes compagnies que j’avais repérées et les ai réunies presque comme un manifeste. Matthias Langhoff fait figure de parrain pour cette édition, mais au cœur de ce festival très textuel, j’ai aussi voulu inviter Philippe Genty, génie de la dramaturgie muette. La plupart des travaux présentés sont des exercices de réappropriation (de Brecht à Molière, de La Dame aux camélias aux cultures urbaines), et je crois que le théâtre est un exercice de réappropriation. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est la différence entre ces propositions. Il y a une très grande variété d’expressions théâtrales aujourd’hui. J’ai envie de montrer un état du champ théâtral actuel, avec l’espoir qu’il soit enthousiasmant. Il faut une conviction incroyable pour faire du théâtre aujourd’hui, et les compagnies que nous invitons sont sur des positions déterminées et convaincues, presque combattantes. Comme j’ai aussi envie de rajeunir le public, rien de mieux pour cela que d’aller chercher l’énergie des jeunes gens. Il s’agit de montrer que le théâtre n’est pas mort. C’est pourquoi j’ai aussi envie de les réunir pour parler ensemble des conditions matérielles, économiques, techniques de nos métiers. Aujourd’hui je suis à la tête d’un outil public, je veux réfléchir à la façon de le partager.
Quel avenir pour Théâtre en mai sous votre houlette ?
B. L. : J’aimerais qu’il redevienne un festival de création. Que ce moment soit une fête et, en même temps, un vrai espace d’essai et d’expérimentation où croiser des désirs et des énergies, pour pouvoir accueillir des gens en travail et pas seulement des spectacles. J’aimerais aussi creuser l’ouverture sur l’Europe, celle du sud notamment, mais aussi, pourquoi pas, regarder plus loin, vers la Méditerranée, le Maghreb, et plus loin encore. Les questions politiques et économiques se réfléchissent aujourd’hui à l’échelle européenne : il faut que les jeunes artistes puissent s’inventer une communauté de destin à cette même échelle.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Festival Théâtre en maidu vendredi 17 mai 2013 au dimanche 26 mai 2013
THEATRE DIJON BOURGOGNE
Parvis Saint-Jean, rue Danton 21000 Dijon
Centre Dramatique National. Accueil et billetterie au Parvis Saint-Jean, rue Danton. Tél : 03 80 30 12 12. www.tdb-cdn.com