Dom Juan… et les clowns

Esthète du jouir, provocateur insolent, le « grand seigneur méchant homme » inventé par Molière n’est pas seulement un homme à femmes. Il est aussi un être épris d’absolu, un provocateur métaphysique qu’on confond trop souvent avec un Casanova emperlouzé, collectionneur de matrices. Le spectacle de la Compagnie Miranda, accompagnée par le Théâtre National de Nice, apporte un éclairage inattendu sur ce personnage devenu mythique et sur les victimes de son combat avec le ciel.

Un libertin libertaire

Dom Juan bafoue les obligations de la piété familiale et maritale, il préfère dîner avec la mort que rentrer dans le costume trop étroit des conventions. Il ébranle l’ordre social en choisissant de n’obéir qu’à son désir, c’est-à-dire à lui-même. Quant à Elvire, si excessive dans sa volonté d’attacher son époux au foyer, on rit de son malheur pour ne pas en pleurer. Sganarelle, témoin mais aussi complice, valet fidèle et homme d’esprit, devient, en clown attachant, le passeur d’humanité de la pièce. Indifférents au conformisme, les clowns franchissent les limites des conventions, et ne prennent au sérieux ni la vie ni la mort, à l’instar du séducteur libertaire. La compagnie Miranda transforme la tragédie en farce, et fait de Dom Juan une pièce sur la liberté, onéreuse à qui veut la conserver, mais infiniment jubilatoire et jouissive…

Catherine Robert