La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -289-Compagnie Jabberwock

Didier Girauldon et Constance Larrieu / Parité et harmonie

Didier Girauldon et Constance Larrieu / Parité et harmonie - Critique sortie  Tours
Portrait Constance Larrieu © Pierre-Emmanuel Peotta Portrait Didier Girauldon © Sylvia Galmot

Entretien croisé

Publié le 15 décembre 2020 - N° 289

Formé au Conservatoire de Tours et à Royal Holloway, Didier Girauldon travaille pour le théâtre, l’opéra, la radio et le cinéma. Formée à l’ERAC, comédienne, metteure en scène et violoniste, Constance Larrieu œuvre au sein de la compagnie Jabberwock depuis ses débuts. Tous deux  travaillent en symbiose.

Quelle est l’histoire de Jabberwock ?

Didier Girauldon : Après l’école de théâtre à Royal Holloway, à Londres, j’ai travaillé en collectif pendant dix ans et beaucoup à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. A mon retour, j’ai pris la direction du théâtre universitaire de Tours. Le travail à l’étranger et celui avec les auteurs m’ont donné l’envie de jeter des ponts entre les cultures. J’ai entamé un premier cycle de projets avec Marc-Antoine Cyr. J’ai mis en scène Fratrie, en 2014, spectacle dans lequel le Québec (son pays d’origine) règle ses comptes avec son histoire. Nous avons ensuite travaillé sur Les Paratonnerres, dans lequel il témoigne de ce qu’il a pu vivre en voulant devenir un étranger dans son propre pays et interroge la manière dont on peut se remettre d’une guerre, intime ou civile. Beaucoup de nos spectacles interrogent les liens entre intimité et altérité et montrent comment on finit par se découvrir soi-même au contact de l’autre.

« Dans notre travail, c’est le lien humain qui crée le théâtre. » Didier Girauldon

« Nous avons la conviction que la dimension formelle, musicale et rythmique du travail théâtral est essentielle. » Constance Larrieu

Constance Larrieu : Quand je suis arrivée, la compagnie existait déjà. Je viens d’une famille de musiciens. J’ai été étudiante à l’ERAC. Nous nous sommes rencontrés alors que je faisais partie du collectif permanent de la Comédie de Reims. Nos expériences parallèles nous ont fait naturellement comprendre que dans une compagnie, il est très important que les rôles tournent. Parfois comédiens, parfois metteurs en scène, nous avons cosigné la mise en scène de La Fonction de l’orgasme. Même si nous travaillons tous les deux ailleurs parfois, nous collaborons ensemble avec un même goût pour la forme. Les comédiens pensent souvent que la technique va les desservir et empêcher l’expression spontanée de leur talent. Nous avons au contraire la conviction que la dimension formelle, musicale et rythmique du travail théâtral est essentielle.

D.G. : Par ailleurs, nous avons une manière très paritaire et non-hiérarchique de travailler ensemble. Nous affichons notre collaboration et notre manière de travailler et revendiquons une codirection qui rend les choses encore plus claires.

Cette volonté égalitaire s’exprime-t-elle dans vos choix artistiques ?

C.L. : Le Point M, sur le plaisir en musique, en est un bon exemple. Quand on pense musique contemporaine, on pense Aperghis, Boulez, Dusapin… Nous avons donc décidé de nous adresser à des femmes et nous avons interviewé des compositrices pour savoir si le milieu géographique et culturel influait sur leur manière de composer.

D.G. : Pour La Fonction de l’orgasme, nous sommes partis de ce texte qui est un brûlot politique et dans lequel Reich, qui était un rouge, montre que l’orgasme est un outil de lutte contre le fascisme. Notre démarche est celle d’un théâtre documenté plutôt que documentaire.

Puis est venu le compagnonnage avec Vincent Farasse…

D.G. : Oui, pour un cycle de deux créations. Dans les murs est une comédie noire sur le déclassement social. Vincent Farasse écrit quasi exclusivement à partir de faits réels. Sa pièce, qui a d’abord des allures du théâtre bourgeois à l’anglaise, se révèle une plongée dans le monologue kafkaïen d’un expulsé sans logement. Nous lui avons aussi commandé un texte qui sera créé en 2022, Les Représentants, qui parle de la représentation populaire. Farasse est un proche de Badiou. Comme lui, il interroge ce fétiche français qu’est le président de la République. Le texte, nourri par un collectage de témoignages, est une sorte de saga théâtrale autour de cinq soirées électorales, entre 1995 et 2017.

C.L. : Cette pièce montre comment la politique s’incarne à travers des personnages, comment elle a un impact sur la vie des gens.

D.G. : Et comment nous sommes foncièrement des êtres politiques.

C.L. : Qu’on le veuille ou non ! Nous n’avons pas envie d’aborder la politique en faisant du théâtre didactique avec un message clair. Comment souvent concernant nos spectacles, Les Représentants est engagé politiquement mais n’est pas une leçon de politique.

D.G. : Faire du théâtre est déjà un acte politique. Dans notre travail, c’est le lien humain qui crée le théâtre. Nous plaçons les objets théâtraux comme des objets de médiation au sens large. Nous privilégions toujours les rencontres. Le processus de discussion et de rencontre avec le public est permanent : nous en sommes très friands. La rencontre avec les gens est toujours passionnante.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Compagnie Jabberwock,


Site : www.compagniejabberwock.com

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