La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -161-mezzanine

Denis Chabroullet

Denis Chabroullet - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Des personnages dégénérés et drôles cloîtrés dans un univers de science-fiction prémonitoire : la Mezzanine sonne l'alarme des périls de l'enfermement. Sur la photo l’actrice Marie-Pierre Pirson .

Publié le 10 octobre 2008

Le grand enfermement

Denis Chabroullet, poète de la catastrophe dont les grondantes colères savent se mâtiner d’optimisme amusé et de philanthropie émue, continue d’explorer les faillites du monde et dresse un portrait au vitriol des folies contemporaines.

Quelle est l’origine de ce nouveau projet ?
Denis Chabroullet : Au départ de mes spectacles, il y a toujours quelque chose qui m’énerve ou me contrarie. Cette fois-ci, je suis parti de ce paradoxe de notre époque où on communique toujours plus en s’enfermant toujours davantage. Dès qu’une communauté s’installe à côté d’une autre, c’est la guerre. Toutes les communautés s’isolent de plus en plus et ce système d’enfermement ressemble à une poupée russe : on s’enferme dans des espaces de plus en plus petits. Le système capitaliste justifie cet enfermement et il semble devenu normal de défendre sa place à tout prix.
 
Comment passez-vous de cet énervement premier au spectacle ?
D. C. : En me demandant comment je vais raconter tout cela en images. Dans Côte d’Azur, j’ai imaginé un quartier dont les habitants, devenus de plus en plus agressifs, ont décidé de se protéger derrière un mur. Notre planète n’est plus qu’une vaste entreprise de maçonnerie. A Gaza, à Berlin, en Italie, entre les Etats-Unis et le Mexique, en Irak : partout s’élèvent des murs pour séparer les gentils des méchants, pour se protéger des barbares et se mettre à l’abri des autres. L’histoire de notre planète s’accélère et va droit dans le mur : je crois qu’il est justement temps de faire sauter les murs ! Les personnages de ce spectacle s’enferment et essaient de reconstruire une société civile, c’est-à-dire une société sans politique : c’est là que résident leur problème et leur échec .
 
Tout cela ne semble pas très optimiste…
D. C. : Nos spectacles sont toujours des tragédies bouffes. Il y a toujours un fond amer, violent, la forme peut même être caricaturale, mais il y a aussi une espèce de deuxième degré. La tragédie bouffe permet de conserver l’optimisme qui fait aimer la vie et met à l’abri du cynisme. Seuls l’optimisme et la poésie évitent qu’on meure trop vite.
 
 « Notre planète n’est plus qu’une vaste entreprise de maçonnerie. »
 
Qui sont les personnages enfermés derrière la palissade de Côte d’Azur ?
D. C. : Des personnages enfermés là depuis au moins quinze ans et qui se sont réorganisés en une grande famille. Enfermés ensemble, ces personnages ont forcément copulé, et forcément cette famille est un peu dégénérée mais drôle. J’essaie de camper des personnages réels et quotidiens mais je veux aussi qu’ils soient pleins de poésie. Ces gens sont en régression permanente : ils ont perdu la notion d’amour, ils ne savent plus ce que c’est, par mauvaise habitude et parce qu’ils ne rencontrent plus personne. Ils sont ce qu’ils sont non pas par méchanceté profonde mais par peur, par bêtise c’est-à-dire par manque de rencontres. Je ne crois pas que l’homme soit foncièrement mauvais mais il le devient quand tout le tire vers le bas. C’est l’inverse qu’il faudrait faire mais on est dans un monde qui baisse les bras.
 
Quel rapport entre ce nouveau spectacle et le précédent, Nous sommes tous des Papous ?

D. C. : En vérité, j’ai un peu fait les choses à l’envers ! J’aurais dû créer Côte d’Azur avant Nous sommes tous des Papous ! En fait, l’histoire qui précède celle des Papous, c’est celle-là. On peut considérer que ces deux spectacles fonctionnent en diptyque ou que Côte d’Azur est comme l’archéologie de Nous sommes tous des Papous.

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