Cédric Gourmelon met en scène corde. raide comme une partition de musique

Qu’est-ce qui est à l’origine de votre désir de mettre en scène corde. raide ?

Cédric Gourmelon : D’abord, il y a l’engagement de debbie tucker green en tant qu’autrice. Elle écrit des textes extrêmement forts, radicaux, qui traitent de sujets parfois difficiles. Et puis, il y a son style très exigeant, sans concession, profondément singulier. Parmi toutes ses pièces, j’ai choisi de mettre en scène corde. raide, parce que ce texte possède à la fois la radicalité dont je viens de parler, mais aussi une forme d’humour noir, ainsi qu’une grande violence et une capacité d’explorer ce que l’on vit, ou ce que l’on va vivre dans un futur proche, au sein de nos sociétés ubérisées. Dans corde. raide, debbie tucker green nous dit comment notre système judiciaire pourrait être géré par des sociétés privées.

« corde. raide ouvre une réflexion terrible sur l’évolution de nos sociétés capitalistes... »

Il s’agit d’une pièce pleine de suspens…

C.G. : Oui. Ce n’est qu’à la fin de la pièce que l’on comprend vraiment de quoi il s’agit. Avant cela, on voit simplement des agents administratifs accueillir une cliente dans leurs locaux. Leur langage est très simple, assez répétitif, on ne sait pas trop de quoi ils parlent… Puis on finit par comprendre quelle situation se joue entre ces trois personnages. On comprend pourquoi on est là et cela devient vertigineux. corde. raide ouvre une réflexion terrible sur l’évolution de nos sociétés capitalistes, sur la privatisation à tout-va, sur les excès du libéralisme. Ce système au sein duquel l’économique prime sur toute chose produit des situations dans lesquelles des employés malformés font mal leur travail. Ils se contentent de suivre, sans réfléchir, de façon automatique et superficielle, les procédures qu’ils ont apprises.

Comment avez-vous travaillé avec vos interprètes pour donner vie à cette écriture singulière ?

C.G. : Avant de monter sur le plateau, nous sommes restés près d’un mois ensemble autour d’une table à travailler sur le texte, sur la langue, afin de saisir très précisément les ressorts de cette écriture ciselée, afin d’envisager les différents degrés des silences, de mettre en place la rythmique des répliques qui se croisent, qui se chevauchent… Ici, tout est signifié : corde. raide est comme une partition de musique contemporaine. Ce texte requiert une grande maîtrise technique de la part des interprètes. Face à cela, le public réagit de toutes sortes de façons. Des personnes explosent de rire, d’autres sont angoissées, d’autres encore sont captivées par la tension qui se dégage du texte. Le réalisme clinique de ce huis clos est troué par des zones de mystère et d’absurde, par une forme parfois très drôle d’étrangeté.

Manuel Piolat Soleymat