Bruna Lopes Ribeiro nous éclaire sur les évolutions du programme du mécénat danse

De quelle manière le mécénat danse de la Caisse des Dépôts a-t-il évolué ?

Bruna Lopes Ribeiro : Au fil du temps, le soutien à la danse a évolué avec les besoins du secteur. Depuis 2016, nous accompagnons en priorité les artistes émergents, ayant réalisé entre une et cinq pièces dans des conditions professionnelles. Cette année, nous confortons cette prérogative, en faisant évoluer notre accompagnement. Jusqu’ici, nous soutenions les artistes principalement pour la production de créations et la mise en relation avec des partenaires. Nous nous sommes rendu compte que le soutien à la création des pièces était certes intéressant, mais qu’il entretenait une logique que l’on connaît tous dans le milieu de la danse, qui est un encouragement à la production constante. Or les artistes émergents, qui justement sont en train de constituer leur signature artistique, ont besoin de temps pour chercher, pour consolider et diffuser leur répertoire. Ils ont aussi besoin de s’entourer d’une équipe solide pour l’administratif. Il nous a donc paru important de changer nos manières de les accompagner en prenant en compte ces besoins pluriels, y compris d’un point de vue financier, afin d’envisager la carrière de l’artiste dans son entièreté.

« Les artistes peuvent désormais demander de l’aide pour davantage d’actions, et pour une durée plus longue. »

En quoi consiste les changements ?

B.L.R. : Les artistes peuvent désormais demander de l’aide pour davantage d’actions, et pour une durée plus longue. Auparavant un soutien annuel – qui pouvait être reconduit –  était mis en œuvre, tandis qu’à partir de cette année, notre aide peut être demandée pour une durée qui s’étend jusqu’à trois ans. Cette nouvelle temporalité permet aux artistes de se projeter sur le long terme, de moduler leurs demandes selon les saisons autour de diverses priorités, qui peuvent être la création, mais aussi la recherche, la structuration, la diffusion… Les artistes construisent ainsi un projet cohérent sur trois ans, ce qui conforte et sécurise grandement leur parcours. Contraints par de multiples échéances, les artistes agissent au présent tout en pensant le futur. En ralentissant, ils et elles se connectent davantage au temps présent. Nous avons aussi fait un choix difficile, mais assumé, qui est de soutenir moins d’artistes pour des montants plus importants.

Comment appréhendez-vous les candidatures pour cet appel à projet inédit ?

B.L.R. : Nous avons beaucoup réfléchi en amont. Suite à de nombreux échanges avec les membres du secteur, avec les artistes eux-mêmes, nous avons abouti à un nouvel appel à projets, en ligne depuis fin janvier, qui restera ouvert jusqu’en avril. Afin de permettre à tous les projets d’être étudiés dans de bonnes conditions, nous avons décidé de changer aussi notre manière de les sélectionner. Jusqu’ici, nous procédions uniquement sur dossier. À partir de cette année, après avoir présélectionné une trentaine de candidatures, nous allons inviter les artistes à nous rencontrer, en présentiel ou sinon en visio. Par ailleurs, nous proposons un autre appel à projets qui concerne le soutien à la professionnalisation des chorégraphes, pour lequel nous aidons des structures culturelles qui accompagnent des chorégraphes à l’aube de leur carrière. Quant à nos lauréats, il est réjouissant de constater que nombreux parmi celles et ceux que nous avons soutenus à leurs tout débuts postulent à la direction de lieux. Ils nous demandent parfois conseil, et cela nous fait plaisir d’être une ressource qui traverse le temps. La Caisse des Dépôts a toujours défendu une cohérence de long terme !

Propos recueillis par Agnès Santi