Dynamiques collectives
À Poitiers ou sur tout le territoire de [...]
Focus -305-Ars Nova, une aventure artistique et humaine de soixante ans
Quand il fonde Ars Nova en 1963, le compositeur et chef d’orchestre Marius Constant innove. Ce premier ensemble français dédié à la création allait s’inscrire dans le paysage musical comme un acteur singulier, lieu privilégié du pluralisme esthétique.
En 1963, Marius Constant, à 38 ans, a déjà eu plusieurs vies. Il est un compositeur en vue, qui aime écrire pour l’orchestre mais a aussi touché à l’électroacoustique et contribué aux premiers temps de ce qui deviendra France Musique. Il est pendant six ans, de 1957 à 1963, le directeur musical des Ballets de Paris de Roland Petit, une bonne façon de frotter la musique à d’autres exigences et de confronter les démarches, les méthodes, les imaginaires. Cet élève d’Honegger, de Messiaen, de Nadia Boulanger – il enseignera lui-même l’orchestration, plus tard au Conservatoire de Paris –, est aussi très marqué par les musiques improvisées. Tout cela entre un peu dans l’idée, le désir de fonder Ars Nova. Voici comment il présentait l’ensemble, à la veille de sa fondation, à la journaliste Martine Cadieu : « J’ai réuni les meilleurs instrumentistes de Paris. Nous jouerons le panorama des œuvres contemporaines et, à chaque concert, une improvisation libre. On atteindra ainsi l’émotion des musiciens de jazz. On gardera l’intelligence et on exaltera la liberté et le cœur ».
Rigueur et fantaisie mêlées
Tout l’esprit d’Ars Nova est là, rigueur et fantaisie mêlées. La contribution à l’histoire de la musique en train de se faire est indéniable : le compagnonnage avec Xenakis, Ohana, Betsy Jolas, plus tard avec Luc Ferrari, Pascal Dusapin, Bernard Cavanna ou Zad Moultaka inscrit l’ensemble parmi les protagonistes d’une musique contemporaine vivante, avide de rencontrer son public. Les interprétations de Varèse ou Maderna ou encore la création française d’une œuvre telle Des canyons aux étoiles (1975) de Messiaen affirment une virtuosité généreusement offerte à la modernité. L’ensemble emprunte les chemins de traverse – et de rencontre – tracés par le compositeur : la scène devient une seconde nature. Si Marius Constant n’a rien a priori contre les institutions lyriques (il sera directeur de la danse à l’Opéra de Paris de 1973 à 1978), il propose avec Ars Nova des voies nouvelles, telle cette extraordinaire Tragédie de Carmen, réécriture de l’opéra de Bizet avec le metteur en scène Peter Brook et le librettiste Jean-Claude Carrière. L’œuvre est emblématique aussi parce qu’elle invite à repenser la diffusion d’un genre, l’opéra, hors des lieux habituels, se donnant les moyens d’une véritable proximité avec les publics. Cette mission, chevillée au rêve initial d’Ars Nova, trouvera son prolongement avec l’installation de l’ensemble à La Rochelle en 1987 puis à Poitiers en 1999 pour s’associer au projet du TAP, inauguré en 2008.
Jean-Guillaume Lebrun
tél. : 05 49 30 09 25