Aller toucher les gens là où ils sont, rencontre avec Olivier Letellier

Vous avez créé la compagnie Le Théâtre du Phare en 2000 pour organiser des ateliers de théâtre avec des enfants et des adolescents. Pourquoi cet engagement ?

Olivier Letellier : Parce que j’aime travailler avec ces publics-là. C’est grâce à ces ateliers que j’ai commencé à explorer le théâtre de récit, ce théâtre enraciné dans le verbe, dans l’adresse directe aux publics. Les adolescents et pré-adolescents sont les spectateurs que je connais le mieux. Ils m’ont appris à toujours placer le public au cœur de mon travail, à toujours chercher à établir une relation de grande qualité avec eux. Puis, en 2004, j’ai mis en scène L’homme de fer, des frères Grimm. La corporalité des interprètes était déjà très présente dans ce premier spectacle, ainsi que l’utilisation d’objets, de la musique, d’images théâtrales…

Pensez-vous vos créations uniquement pour les enfants et les adolescents ?

O.L. : Non. Pour moi, la notion de jeunes publics prend davantage en compte l’expérience des spectateurs, que leur âge. C’est le sens du projet que j’ai développé pour Les Tréteaux de France. On peut aller pour la première fois au théâtre à 10 ans, comme à 70 ans. Dans les deux cas, on est un jeune spectateur. Pousser la porte d’un théâtre fait souvent peur. Je crois qu’il est plus facile de braver cette peur si l’on accompagne un enfant. C’est le pari que je fais. Je veille à ce que mes spectacles aient plusieurs niveaux de lecture. J’aime qu’une représentation permette à plusieurs générations de se retrouver ensemble dans un même lieu.

« La notion de partage est pour moi essentielle. »

Comment votre théâtre cherche-t-il à s’adresser aux « jeunes publics » ?

O.L. : Avec une exigence, une attention et une considération accrues. Mon théâtre vise à faire naître des émotions en diversifiant les langages. Les textes sur lesquels je travaille sont souvent des commandes d’écriture. La poétique de la langue est pour moi très importante, ainsi que l’humour et le regard porté sur le monde d’aujourd’hui. Les jeunes spectateurs viennent entiers au théâtre, prêts à être émus, à écouter une histoire. Leur innocence, ou par moment leur naïveté, me touchent. J’ai envie de les aider à grandir.

Quelles sont les lignes principales de votre projet pour Les Tréteaux de France ?

O.L. : J’ai appelé ce projet La Fabrique des Partages. Les Tréteaux de France ne sont pas un lieu de diffusion, mais un lieu de fabrique. La notion de partage est pour moi essentielle. La première partie de mon projet consiste à fabriquer des spectacles pour les salles, afin d’aller à la rencontre des jeunes spectateurs. L’autre partie rejoint la spécificité des Tréteaux de France : l’itinérance. Il s’agit d’imaginer des actions à destination des territoires éloignés de l’offre culturelle, de s’installer quelque part et de proposer des répétitions publiques, des temps d’ateliers et d’échange, de jouer des spectacles dans des mairies, dans des cours d’école… Il faut aller toucher les gens là où ils sont. Avec la jeunesse comme porte d’entrée. J’aime l’idée que la jeunesse puisse être un cheval de Troie bienfaisant permettant de promouvoir un théâtre contemporain s’adressant au public le plus large possible. Je souhaite ainsi créer un Festival familial national itinérant. Je souhaite aussi faire en sorte que Les Tréteaux de France soient un lieu de transmission en accueillant des comédiens-étudiants, ainsi qu’un lieu de recherche, notamment à travers les actions de nos artistes associés : l’autrice Catherine Verlaguet, l’autrice-metteuse en scène Caroline Girard, l’auteur-metteur en scène Sacha Todorov et les membres de la Compagnie dans l’arbre.

Manuel Piolat Soleymat