La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -316-Le mécénat danse de la Caisse des dépôts, un accompagnement qui se fait révélateur à soi et au monde

Aina Alegre s’attache à rassembler et réveiller ce qui nous relie

Aina Alegre s’attache à rassembler et réveiller ce qui nous relie - Critique sortie
Crédit : Pascale Cholette Aina Alegre, chorégraphe et co-directrice du CCN de Grenoble Crédit : Laurent Philippe This is not (an act of love and resistance) d’Aina Alegre, grande pièce de danse et de musique

Entretien Aina Alegre

Publié le 24 novembre 2023 - N° 316

Co-directrice du CCN de Grenoble avec Yannick Hugron, Aina Alegre revient sur son parcours, d’un solo fondateur à une grande formes musicale et chorégraphique, soutenue par le mécénat de la Caisse des Dépôts.

Vous avez un important parcours d’interprète. Comment avez-vous fait ce pas vers une démarche de création ?

A.A. : Mon désir d’être chorégraphe est plus ancien que celui d’être interprète. C’est pendant ma formation en danse au CNDC d’Angers que j’ai découvert une  nourriture physique, intellectuelle et sensible pour comprendre mon envie de travailler en tant qu’autrice. La création m’ouvrait la possibilité de croiser les disciplines. Vers 2010, j’ai commencé des recherches pour mon premier solo La maja desnuda dice, qui a donné lieu ensuite au second No se strata de un desnudo mitologico en 2012. Je n’avais pas les moyens pour produire, pas de compagnie, et mon rôle d’interprète était lié au besoin de travailler. Ce premier solo a été fondateur. La répétition, présente dans mon travail, permet d’apprendre à être au présent, à rentrer dans des expériences de corps, des états de conscience élargis. Le rythme et la musique nourrissent beaucoup mon travail, le souffle, le martèlement. L’idée d’une fiction était déjà là aussi, en tout cas de corps qui se déploient dans un monde de fiction pour se libérer, se réinventer, ré-imaginer.

« Ce qui me touche, c’est d’apprendre à être avec l’autre de manière sensible, sensorielle. C’est très archaïque ! »

Le Jour de la Bête, et La Nuit nos autres ont été ensuite des pièces de groupe. Qu’est-ce qui vous interpelle dans la question du collectif, de la communauté ?

A.A. : Cette question est très active dans mon travail. Je pense que la danse a le pouvoir, fédérateur et puissant, de rassembler les corps, de communiquer autrement que par le langage parlé. Je suis très inspirée par les pratiques culturelles populaires. En dehors des codes de danse qui font partie du folklore, la danse recherche aujourd’hui des formes, des pratiques ou des moyens pour comprendre ce que c’est d’être ensemble. Ce qui me touche dans l’idée de faire corps à plusieurs ou de travailler sur la notion de collectif et de danse de groupe, c’est la dimension politique, c’est d’apprendre à être avec l’autre de manière sensible, sensorielle. C’est très archaïque !

La notion de rituel ne transparaît-elle pas également, y compris dans votre solo Rauxa ?

A.A. : Je préfère parler d’espace peuplé de fantômes, dans lequel existent des traces de gestes anciens et futurs. L’endroit du rituel serait peut-être la façon dont le corps devient médium, pour se connecter. Comment un corps vient activer une part invisible, comment la danse vient réveiller l’espace entre les corps… Peut-être qu’on est face à des micro-rituels, puisqu’on met en place un acte chorégraphique qui vient réveiller le mouvement invisible, celui qui nous relie.

Pour This is not (an act of love and resistance), la Caisse des Dépôts intervient pour soutenir votre envie d’une grande forme musicale et chorégraphique. Par quelles étapes êtes-vous passée ?

A.A. : La première étape, en pleine pandémie, a été difficile, avec l’impression qu’on allait finir par faire des solos toute notre vie ! À ce moment, peu de femmes de ma génération portaient des projets de grandes formes de danse. Il fallait que je fasse un pas en avant pour trouver de nouveaux partenaires. Le mécénat nous a permis de porter de manière sereine ce projet ambitieux, notre énergie a pu se concentrer sur l’artistique plus que sur la production. Ils ont saisi un endroit intéressant du parcours d’une artiste, à un moment où je changeais de taille de plateau.

 

Entretien réalisé par Nathalie Yokel

A propos de l'événement



www.caissedesdepots.fr/mecenat

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