Laurent Fréchuret
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Le nouveau CDN des Yvelines : une maison de création
Le Centre Dramatique National de Sartrouville est né officiellement en 2001, de la fusion d’une scène nationale née en 1966 et d’un CDN pour l’enfance, initié en 1979 avec Catherine Dasté. La création pour enfants et adolescents se poursuit à travers la biennale Odyssées 78 : six créations produites par le CDN vont tourner 300 fois dans les Yvelines. Le théâtre a fêté ses quarante ans en 2006, et devient le trente-et-unième CDN créé en France, avec pour mission la création théâtrale. Laurent Fréchuret, directeur du théâtre depuis un an et demi après en avoir assuré la codirection à partir de janvier 2004 aux côtés de Claude Sévenier, se bat pour donner au théâtre les moyens de sa mission, claire, ambitieuse et passionnante. « Cela a été tout un travail de relier une équipe de trente permanents, engagée autour d’un projet clairement défini de création théâtrale, où l’artistique est au centre de chaque problématique. Nous voulons vivre des aventures communes avec des artistes au théâtre de Sartrouville, bénéficiant d’une présence plus longue, qu’on aide sous forme de coproduction ou d’accueil. » Pour mettre en œuvre un outil adapté à cette nouvelle ambition artistique, l’engagement de l’Etat et des tutelles est essentiel. Dans un an ou deux une extension du théâtre, reliée à la grande salle par un hall commun, doit voir le jour.
Les portes du théâtre grandes ouvertes à tous les publics
Pour optimiser la rencontre entre la scène et le public, Laurent Fréchuret s’attache à mettre en place pour les créations des durées de programmation de une semaine jusqu’à un mois. Outre les fidèles, car il existe à Sartrouville un public fervent, parfois abonné depuis 40 ans, le CDN ouvre les portes du théâtre à ceux qui ne le fréquentent pas habituellement. « Les artistes donnent du sens à un théâtre de création en changeant le rapport avec la population, en mettant en place des ateliers, de la sensibilisation, des stages de formation. » Un exemple emblématique de cette volonté d’élargir le public : les chantiers théâtraux, qui rassemblent pendant un an des volontaires de tous horizons et de tous âges – entre 6 et 82 ans ! – pour écrire, inventer et répéter sur un même thème, en vidéo, danse, musique ou théâtre. « Les projets intergénérationnels et pluridisciplinaires me passionnent. » explique le jeune directeur, sensible à la dimension poétique mais aussi politique de ces chantiers, qui orchestrent le mélange fructueux des générations, des mémoires et des expressions artistiques. « Le théâtre est un lieu collectif où il faut faire venir les jeunes. » En outre, chaque année, un grand stage de formation professionnelle est organisé pour les acteurs.
Une dynamique renouvelée, joyeuse et offensive.
Claude Sévenier, directeur du théâtre de Sartrouville pendant quarante ans, Patrice Chéreau, jeune directeur de 1966 à 1969, Jean-Pierre Vincent, Catherine Dasté, Joël Jouanneau ont marqué ce théâtre de leur histoire en créant un rapport au public très enthousiaste. « A nous de continuer » précise Laurent Fréchuret, qui défend la valeur du service public du théâtre grâce à des moyens appropriés pour la création, et par là même déjoue le formatage du désir et de la pensée. Fidèle à son héritage, la programmation regroupe une trentaine de propositions de diverses disciplines ou « arts frères », en théâtre, danse et toutes sortes de musiques, jazz, classique, opéra, jusqu’au slam, mais logiquement, la part du théâtre, et plus particulièrement de la création, est appelée à augmenter. Le public regroupe des gens très différents, et cette diversité nourrit la lecture ou les lectures de l’œuvre, qui y gagne en profondeur et épaisseur. « C’est presque un phénomène physique ou chimique. » « Les histoires dites sur scène touchent l’intime collectif et l’intime de chacun, on est dans le singulier et ces milliers de singuliers forment un peuple du partage. »
Agnès Santi