La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien /Festival d'Avignon 2021

Festival d’Avignon 2021 : enfin les retrouvailles

Festival d’Avignon 2021 : enfin les retrouvailles - Critique sortie Théâtre Avignon Festival d'Avignon. Jardin de la bibliothèque Ceccano
© Christophe Raynaud de Lage Olivier Py

Jardin de la bibliothèque Ceccano / Texte original, traduction et mise en scène Olivier Py / Hamlet, la pièce avec un crâne d'après William Shakespeare, traduction Olivier Py

Publié le 5 mai 2021 - N° 290

Après une année 2020 éprouvante, la 75ème édition du Festival d’Avignon s’affirme comme une superbe promesse. Olivier Py, dont le mandat de directeur a été prolongé jusqu’en août 2022 suite à l’annulation de la 74e édition, y propose un feuilleton théâtral autour d’Hamlet.

Après l’annulation du festival 2020, de quelle manière avez-vous abordé cette édition ?

Olivier Py : Nous avons conçu cette édition de réouverture comme une grande édition, répondant à l’attente et l’espoir. Quatorze spectacles annulés en 2020 y sont programmés. Fidèles à notre mission de création, nous avons privilégié les spectacles qui dès l’année dernière ont décidé de repousser d’un an leur création, même si ceux qui devaient être programmés au cours de l’année n’ont hélas pas pu l’être. Cette édition demeure aussi internationale que les années précédentes, avec environ une moitié de spectacles étrangers. Ambitieuse, la programmation compte 35 levers de rideau supplémentaires et propose 20000 places de plus à la vente. En outre, la Cour d’honneur a été entièrement rénovée, et cette remise à neuf est le résultat d’un travail d’équipe dont nous sommes fiers. Y seront accueillis cette année Tiago Rodrigues dans une mise en scène de La Cerisaie tournée vers l’avenir, et Marcos Morau qui avec Sonoma chorégraphie une communauté de femmes aux prises avec la violence politique et religieuse en s’inspirant de l’univers de Luis Buñuel.

Qu’est-ce que la crise révèle de la relation à la culture ?

O.P.: Il n’est évidemment pas envisageable de vivre dans une société sans culture. Paradoxalement, la démonstration a été faite par l’absurde lors de cette crise inédite. J’ai appelé dès l’automne dernier à la réouverture des lieux culturels, mais le choix de la République de défendre les cultes et pas la culture demeure pour moi un motif d’incompréhension. Le Festival d’Avignon révèle justement à quel point l’art fédère et enchante. Il n’y a rien que j’aime plus que le festival d’Avignon, c’est un moment unique, une communauté d’esprit réunie par l’art et la pensée, qui quelquefois prend la forme d’une espérance, contre un avenir qui serait prémédité. Le festival ouvre des perspectives, célèbre la possibilité de participer à l’utopie qu’il crée. Par sa capacité à inventer, le théâtre populaire engage une lutte contre les populismes, qui induisent une haine de la culture.

Cette attention au futur se lit dans l’intitulé de votre éditorial : « Se souvenir de l’avenir »…

O.P.: Cette thématique est née des échanges avec les artistes, lors desquels s’est exprimé un besoin partagé de pouvoir sortir du tunnel, réinventer l’avenir. Cette question a conduit les artistes à reformuler des utopies, ou des dystopies ; elle a fait émerger une rêverie proche de la science-fiction, parfois des inquiétudes d’ordre plus politique. Quant au présent de notre programmation, deux éléments me semblent importants. La présence très forte des femmes, presque à parité avec les hommes, que renforcent plusieurs spectacles évoquant le féminisme, pas nécessairement mis en scène par des femmes, ainsi que la diversité culturelle des artistes. Gageons que les plateaux de demain présenteront une meilleure image de la diversité.

« Le poétique et le politique travaillent ensemble, l’un par l’autre. »

Vous-même présentez un feuilleton théâtral, Hamlet à l’impératif ! Comment vous êtes-vous emparé de la pièce de Shakespeare ?

O.P.: J’ai construit un feuilleton autour des thématiques d’Hamlet en compagnie d’élèves de l’École régionale d’acteurs de Cannes-Marseille, de comédiens professionnels, d’une vingtaine d’amateurs, d’anciens détenus de la prison du Pontet où j’ai régulièrement travaillé. Nous œuvrons ensemble à essayer de déplier les conséquences de la pièce Hamlet sur la pensée, principalement la pensée du vingtième siècle. Qu’il s’agisse de psychanalyse, philosophie, sociologie ou autres disciplines, de très nombreux penseurs se sont attachés à ce texte, parmi lesquels Marx, Freud, Derrida, Wittgenstein, Heidegger… Hamlet a connu un destin exceptionnel dans l’histoire de la littérature. Nous voulons rendre compte de ces quelque quatre siècles de passions en une sorte d’anthologie non exhaustive de ce qui a été dit sur Hamlet. C’est un océan ! Notre spectacle mêle extraits de l’œuvre que j’ai traduite et commentaires ; tous les deux jours, nous ne proposons pas un épisode du feuilleton mais une adaptation de la pièce. Je me suis efforcé de rendre la pensée de ces figures intellectuelles pertinente à l’époque où l’on parle et surtout ludique. Je voudrais que ce soit le contraire de l’ennui car Hamlet est tout le contraire de l’ennui, c’est un état de feu, entre révolte et impuissance déclenchées par le retour fantomatique du père assassiné. C’est justement le sceptre qui incarne l’impératif catégorique, l’impératif éthique qui donne son titre à la pièce. Tous les jours nous jouons dans le jardin de la bibliothèque Ceccano, pendant une heure, en entrée libre.

Le théâtre peut-il être en un geste revendicatif et poétique ? 

O.P.: Je crois qu’opposer ces termes est toujours une erreur. Le poétique et le politique travaillent ensemble, l’un par l’autre. Un théâtre digne de ce nom ne peut abandonner aucun des deux. Le festival d’Avignon en est année après année la preuve. Le politique et le poétique sont mêlés de manière infrangible dans un spectacle de théâtre.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Festival d’Avignon 2021 : enfin les retrouvailles
du mardi 6 juillet 2021 au vendredi 23 juillet 2021
Festival d'Avignon. Jardin de la bibliothèque Ceccano
2 Bis Rue Laboureur, 84000 Avignon

à 12h. Entrée libre. Durée : 1h. Texte publié aux éditions Actes Sud-Papiers.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre