We love Arabs
Avec le danseur Adi Boutrous, le chorégraphe [...]
Créée au Festival d’Avignon, la pièce de Radhouane el Meddeb est une fenêtre sur sa Tunisie natale et sur son propre cheminement dans la notion d’exil.
Radhouane el Meddeb a conçu sa pièce sur de vrais partis-pris : une première partie sans effusion aucune, sans danse pourrions-nous dire, tant le principe de la marche est réduit à une expression très simple. Puis une seconde partie qui débute après une fausse fin, où les corps offrent leurs tiraillements. Au commencement, donc, une scène pratiquement en noir et blanc, où les huit danseurs vont évoluer dans la lenteur, dans l’expression la plus neutre. Leur présence est faite de marches, en lignes droites, de profil, de face, où l’on se croise, se regarde – un peu –, s’attend – peut-être. Là où la suspension et la tension pourraient amener de l’épaisseur au mouvement, ne subsiste que le geste seul, sommairement incarné. Il faut attendre encore pour qu’un porté, ou plutôt un « soulevé » enfin montre l’ambition de ces hommes et de ces femmes de voir plus haut et loin. Dès lors on attrape au vol les bribes de ce qui se joue sous nos yeux : l’un manque de dégringoler, un tournoiement s’installe, un demi-cercle se forme, la danse advient mais les mains n’arrivent pas à implorer le ciel. Les interactions se développent en demi-teinte, comme si l’on n’avait pas le droit d’aider son prochain. On se surveille. On s’empêche. Le chant apaise.
Le corps en jeu
Une femme viendra, par son explosion de folie, autoriser ce qui était bridé. Dans une seule diagonale, espace jusqu’alors inexploré pendant le spectacle, elle donne, en allers retours, une vision décomplexée de ses hésitations, joignant le geste à la parole. Puis c’est une scène de violence, avec le corps en jeu. Est-il transpercé de balles, s’effondre-t-il pour se relever en furie et entraîner les autres dans son délire ? La danse en rond des hommes pris par les épaules façon debka devient un rythme aux accents quasi militaires. Pour autant, l’impression générale de la pièce reste celle de l’ébauche. Les idées sont là, qui se cantonnent à l’évocation. Les présences ne manquent pas, mais sans que les personnalités ne percent.
Nathalie Yokel
à 20h. Tél. : 01 55 53 10 60. Spectacle vu au Festival d’Avignon en juillet 2017.