La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2011 - Entretien Rachid Ouramdane

Exposition Universelle : entre corps glorieux et corps en faillite

<i>Exposition Universelle</i> : entre corps glorieux et corps en faillite - Critique sortie Avignon / 2011

Publié le 10 juillet 2011

L’art comme outil de propagande : une histoire qui se retrouve au fil des siècles et que Rachid Ouramdane détourne et remet en jeu dans le corps. De la manipulation à l’effondrement…

Pour cette nouvelle pièce, vous faites appel aux « esthétiques nationales » comme base de votre recherche. Qu’entendez-vous par ce terme ?
 
Rachid Ouramdane : Il s’agit de tous les courants artistiques identifiés en lien avec un courant politique, comme le réalisme socialiste, le Novecento… Ces courants artistiques ont été à un moment donné clairement récupérés, sont devenus des outils de propagande pour asseoir une idéologie. On y distingue par exemple une certaine rigueur, une certaine grandiloquence…
 
Vous aimez convoquer dans votre travail des images, des vidéos… Comment avez-vous décidé de traiter votre rapport à l’image dans Exposition Universelle ?
 
R. O. : Il n’y a aucune image ramenée directement des courants dont je parle. Ce travail n’a pas une portée documentaire, il s’agit de traiter les ressorts de ces courants, la façon dont le corps était représenté, et de repérer la grammaire de ces toiles, de ces défilés. On voir très bien dans les portraits par exemple comment on peut repérer les diagonales à l’œuvre, le menton en avant, le regard au loin. L’expressivité convoquée est une façon d’impressionner le spectateur. A partir de cette base, j’effectue un travail de détournement des codes de représentation, sans donner à voir aucun document d’archives. On est dans une manipulation du « regardeur », et c’est ça qui m’intéresse : désosser les artifices de la mise en scène de l’esthétique souvent de style pompier, souvent impériale… Je détourne la grammaire de ces images, notamment avec le travail photographique de mon collaborateur Jacques Hoepffner, et je mets en jeu le corps muet, que l’on a manipulé et malmené. Ces corps parlent d’une façon extrêmement puissante, à propos de choses à la fois démonstratives, sportives, militaires, dans lesquelles on reconnaît bien tout ce qui est de l’ordre du postural. En réponse à cela, je joue sur des situations d’effondrement du corps fragilisé. J’essaye de mettre en face cette inéquation, cette difficulté à se reconnaître en tant qu’individu uniquement dans ces modèles-là. C’est une façon de travailler sur le décalage, et sur un corps en faillite.
 
« J’effectue un travail de détournement des codes de représentation, sans donner à voir aucun document d’archives. »
 
Continuez-vous, à travers ce solo, de parler d’une manière ou d’une autre de votre identité ?
 
R. O. : J’ai tendance à dire que de toute façon, on n’échappe pas à ses obsessions, à ses névroses…Ce qui m’amène à travailler, c’est un parcours qui me conduit à des sujets artistiques avec lesquels j’entretiens un lien intime. Par rapport à un solo comme Loin où je m’appuie sur des éléments autobiographiques ou à Des Témoins ordinaires où j’ai procédé par fragments d’interviews, j’ai essayé pour cette nouvelle pièce de prendre de la distance par rapport à l’aspect documentaire et autobiographique pour aller chercher des ressorts d’expressivité à travers l’art et son lien avec le politique. Alors qu’auparavant, je partais de sujets éminemment politiques et je voyais comment je pouvais les traiter avec le corps. Mais il y a toujours une récurrence dans toutes mes pièces : la préoccupation de l’ensemble d’une communauté jusqu’à toucher l’individuel, jusqu’à une lecture plus intime.
 
Propos recueillis par Nathalie Yokel


 

Exposition Universelle de Rachid Ouramdane, du 19 au 24 juillet au Cloître des Célestins. Tél : 04 90 14 14 14.

A propos de l'événement


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