La Terrasse

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Théâtre - Critique

Douce vengeance et autres sketches

Douce vengeance et autres sketches - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Cosimo Mirco Magliocca Légende photo : Les comédiens servent les sketches de Levin avec l’humour pince-sans-rire qui convient.

Publié le 10 avril 2008

Galin Stoev retrouve les comédiens du Français et s’attaque aux sketches cruellement drôles de l’israélien Hanokh Levin.

C’est souvent dans la banalité en apparence la plus triviale qu’Hanokh Levin (1943-1999) ramasse la matière de son théâtre. L’auteur israélien, débarqué sur la scène dans le fracas d’un rire pamphlétaire lancé en 1967 à l’assaut de la guerre des Six jours, n’a jamais cessé d’aiguiser la satire politique contre les tentations militaristes de son pays en proie à une actualité toujours dramatique. En habile observateur de ses compatriotes – aussi mordant que profondément tendre, il a capté dans le brouhaha des causeries de café, du quotidien de quartier, des batailles amoureuses ou des soucis domestiques l’écho des angoisses existentielles. Empêtrés dans la fade mélasse de leur réalité, égoïstes, maladroits, ses personnages traquent obstinément le bonheur, quitte à piétiner leurs voisins pour gagner la course. Incurables médiocres et rêveurs maladifs, ils s’agitent sans compter et restent piégés entre leurs aspirations, immenses, et leur risible incapacité à les mettre en œuvre. Cette écriture pourtant ne se livre pas d’emblée. Il faut la pousser dans ses retranchements pour qu’elle se révèle sous l’anodin des dialogues et la platitude des situations. Entrelaçant la farce, la tragédie, le mélodrame, les grands mythes universels, ou encore la provocation et l’épopée, ses textes frottent le grotesque à la poésie, la grossièreté à la métaphysique, pour en faire jaillir un rire noirci d’ironie, cinglante mais salutaire.
 
Un humour au vitriol
 
Après une version douce-amère de la Festa de Spiro Scimone, présentée l’an passé, Galin Stoev retrouve le Français et s’attaque au théâtre coriace de Levin. Le metteur en scène bulgare a pioché parmi les sketches – dont beaucoup inédits, qu’il file ensemble comme autant de variations sur les rituels quotidiens d’une humanité vouée à l’inaccompli. Claude Mathieu, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Adrien Gamba-Gontard et Judith Chemla débarquent avec, à la main, un petit bureau portatif savamment plié dans une valise en bois. Ces curieux bricoleurs, ardents bâtisseurs de l’absurde, s’affairent à leurs menues occupations, parmi les fils électriques pendouillant des cintres. Décidément, il semblerait que Dieu vaque déjà ailleurs sans même avoir achevé son ouvrage. Les comédiens, excellents, visiblement s’amusent et servent ces sketches avec l’humour pince-sans-rire qui convient. Tantôt désopilants, tantôts pathétiques, mais parfois très plats, ces instantanés trament la vision, effrayante et drolatique, d’une petite société condamnée à tourniquer dans son bocal. D’ailleurs, quand le noir tombe, restent deux poissons rouges, tournoyant tranquillement, sempiternellement, dans les eaux froides d’une bombonne en plastique…
 
Gwénola David


Douce vengeance et autres sketches, d’Hanokh Levin, traduction de Laurence Sendrowicz, mise en scène de Galin Stoev, jusqu’au 20 avril 2008, à 18h30, relâche lundi et mardi, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, 75001 Paris. Rens. 01 44 58 98 58 et 
www.comedie-francaise.fr. Les textes d’Hanokh Levin traduits en français sont publiés aux Editions théâtrales. A lire, chez le même éditeur : Le théâtre d’Hanokh Levin – Ensemble à l’ombre des canons, de Nurit Yaari.

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