La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Dissident, il va sans dire

Un “géant du djembé” face à deux pointures du jazz.

Publié le 10 mars 2007 - N° 146

Un spectacle soigné de Laurent Hatat, sur le fil du rasoir de la vie –
version Vinaver – entre intimité et travail. Avec l’envergure des comédiens
Catherine Baugué et Denis Eyriey.

Hélène explique à son fils Philippe qu’elle analyse statistiquement
l’évolution des ventes. Bientôt, l’entreprise va s’informatiser. Voilà la raison
de la perte de son emploi avec en échange, des indemnités de chômage en
attendant des jours meilleurs. Cette figure féminine d’aujourd’hui tient à
s’accorder quelque temps de lectures. Elle a connu le père de Philippe ? qui
depuis a grimpé l’échelle hiérarchique de sa société – en militant pour le
socialisme, contre les privilèges et le pouvoir des patrons. Des valeurs de
jeunesse trahies, selon le fils sarcastique. Encore faut-il, pour résister, ne
pas être minée par une mauvaise santé, ne pas être quittée par son mari avec un
ado de dix-sept ans sur les bras – sans but – qui laisse glisser sa vie entre
les doigts au lieu de la saisir. Philippe rentre à l’essai en équipe de nuit aux
presses de Citroën. Telle est la teneur de sa vie apparente que la mère aimerait
voir s’élever spirituellement, elle qui regrette de ne plus voir lire son
rejeton, lui qui prétend vouloir vivre son propre livre. Un fils charmant
– l’acteur Denis Eyriey est juste -, sensible à l’attention qu’on lui porte et
affectueux souvent, du moins dans la sphère vivante maternelle. Mais le cours de
l’existence est autre, synonyme d’ignorance et indifférence, perçu et dépeint en
visionnaire par l’écrivain Michel Vinaver à travers Dissident, il va sans
dire
.

La mère et le fils, une statuaire duelle décidément sauve.

La pièce (1976) révèle les conséquences irréversibles de l’informatisation
sur l’emploi et ses effets dévastateurs sur la vie privée. Le foyer monoparental
connaît la solitude. La mère doit remplir son rôle d’adulte face au jeune,
d’autant qu’un respect vivace pour son ex s’oppose au rejet du fils. Le père est
plutôt désengagé du triangle familial, préférant la liberté de sa journée
professionnelle, l’espace sécurisant d’une reconnaissance non mise en doute. En
guise de mémoire, des traces d’un bonheur initial – un âge d’or du couple avec
l’enfant qui s’éveille – s’animent en images vidéo sur la baie transparente de
l’appartement. La mise en scène de Laurent Hatat est à la fois économe et
sophistiquée, rythmée de pauses et de musiques de Teddy Lasry, au cours des
douze tableaux de cette relation privilégiée entre la mère et le fils, une
statuaire duelle décidément sauve. Catherine Baugué, tonique mais inquiète,
voudrait sauver son fils des vicissitudes du monde, ne sachant « le laisser
être?
» Et heureusement, elle lui parle de la beauté de la vie, toujours.

Véronique Hotte

Dissident, il va sans dire

De Michel Vinaver, mise en scène de Laurent Hatat, du 8 mars au 1er avril
2007, du mardi au samedi à 20h30, le 15 mars à 14 h et 20h30, dimanche à 16h au
Théâtre de La Commune 2 rue Edouard Poisson 93304 Aubervilliers Tél : 01 48 33
16 16 Texte publié à L’Arche ( Vinaver Théâtre complet 3)

Spectacle vu à la Maison Folie de Wazemmes (Lille)

A propos de l'événement


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