La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Stabat mater furiosa

Le retour du grand musicien breton.

Publié le 10 mars 2007 - N° 146

Un spectacle grave, exprimant la rage d’une femme endeuillée par la perte de
son fils à la guerre. Une rebelle à vie contre toutes les dominations et
agressions viriles et perfides.

C’est à la fois étrange et évident que ce soit « un » auteur, Jean-Pierre
Siméon, qui ait écrit le monologue Stabat mater furiosa. Un discours de
hargne et d’invectives par une mère en furie dont la guerre a tragiquement
subtilisé le fils, une femme mise à nu psychologiquement et moralement que l’on
aurait pu craindre hystérique et échevelée mais dont la plainte vive et vivante
s’annonce ordonnancée de main de maître par un géomètre masculin. Les guerres,
d’après les paroles de Siméon, sont provoquées plutôt par les hommes, qu’ils
soient soldats, généraux, politiques, civils ou militaires. Ce sont eux ? les
forts et les puissants physiquement ? qui commettent traditionnellement les
meurtres, les viols et les crimes les plus violents sur une partie de la
population trop aisément vaincue et soumise, les femmes, les enfants et les
vieillards. Une question dont la résolution aurait à voir avec la nature de la
libido mâle, un genre qui ne peut être soumis à ségrégation.

Anne Conti a trouvé le ton juste et le cri mesuré jusqu’à la prière

Hurlons comme Anne Conti, la voix rauque et l’allure rock, ce Stabat mater
furiosa et non dolorosa : une mère de douleurs qui sait dignité
garder et rester debout contre tous les déboires et toutes les tempêtes, en
s’opposant à la force adverse masculine, une bestialité enivrée d’alcool, de
violences et de sang, de fausses prouesses. Guerres de peuples et d’ethnies,
guerres de rues et de banlieues, conflits quotidiens professionnels, luttes
intimes de clans et batailles privées dans les familles, la paix est immensément
fragile, à reconquérir toujours. Anne Conti a trouvé le ton juste et le cri
mesuré jusqu’à la prière sourde et l’hommage ultime rendu à l’existence et à
l’humanité disparue dont elle porte la mémoire. Seule, debout, le micro à la
main, le regard déterminé et habité par des visions secrètes insoutenables dont
elle transgresse l’émotion et la souffrance, la prêtresse égrène ses mots qui
font mouche. Elle est servie sur le plateau nu par deux musiciens, Rémy Chatton
aux cordes et Vincent Le Noan aux percussions. Un engagement dont les cris sont
des invites à une orgueilleuse insoumission à toutes les oppressions.

Véronique Hotte

Stabat Mater Furiosa

de Jean-Pierre Siméon, conception, mise en scène d’Anne Conti et Patricia
Pekmezian, à 19h30 les 30 et 31 mars 2007 à la Scène nationale de Sénart-La
Coupole 77385 Combs-la-Ville Cédex Tél : 01 60 34 53 60 Texte publié aux
Solitaires Intempestifs.

A propos de l'événement


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