Dimitri Chamblas redonne vie à son « Takemehome » très rock avec la musicienne Kim Gordon

Lorsque l’on pénètre dans le magnifique théâtre de l’Agora à Montpellier, des silhouettes gisent sur la scène où trône un étrange zeppelin lumineux, drôle de navire qu’il faudrait savoir emprunter ou curieuse lune ovale qui peu à peu se lèvera. Contrairement à notre première impression, il ne s’agit pas là des interprètes de Takemehome mais de spectateurs et spectatrices ayant accepté de vivre cette expérience à l’invitation d’une danseuse. Une fois que les neufs artistes chorégraphiques auront jailli sur le plateau, le faisant vibrer sous leurs corps inertes, ils regagneront la salle après une lente procession. S’engagera alors au rythme des rifs imaginés par Kim Gordon un ballet composé de neuf solitudes, de neuf fantômes à la virtuosité éclatante mais déglinguée. Qu’ils envahissent l’espace ou le désertent, bondissent ou s’écrasent sur le sol, ils semblent se débattre, s’extraire de la torpeur dans une urgence vitale. Puis ce sont eux qui s’emparent de guitares électriques et de la partition de l’iconique musicienne, ex-chanteuse de Sonic Youth, assumant les larsens, produisant des dissonances qui répondent à celles de leur groupe que seule unit une errance commune.

Une communauté de neuf solitudes

Pièce crépusculaire, Takemehome a été inspirée à Dimitri Chamblas par les silhouettes fantomatiques croisées dans la nuit de Los Angeles. Il a réuni pour lui donner corps des interprètes de grand talent aux parcours variés – Marion Barbeau et Salia Sanou y sont magnifiques, François Malbranque aussi violent sur scène qu’il semble doux hors scène est une révélation – rencontrés des deux côtés de l’Atlantique. S’exprimant chacun et chacune dans la technique qui leur est propre, avec la personnalité qui leur est propre, ils renforcent la sensation d’une communauté de circonstance, que n’unissent que sa déshérence et quelques duos éphémères, lorsqu’il s’agit notamment de relever l’un ou l’autre qui s’écroule. Le chorégraphe signe avec Takemehome un spectacle pré-apocalyptique à l’énergie très rock qui explose en neuf individualités brisées et révoltées.

Delphine Baffour