Danse - Entretien / Nina Laisné
« Como una baguala oscura » par la chorégraphe Nina Laisné
Chaillot - Théâtre national de la Danse / Chor. Nina Laisné et Nestor ‘Pola’ Pastorive
Publié le 27 août 2024 - N° 324Nina Laisné allie dans son travail cinéma, musique, et art contemporain. Elle s’intéresse aux identités marginales qui évoluent dans l’ombre de l’Histoire officielle et aux traditions orales des croisements et déracinements. Como una baguala oscura, créé au Festival d’Automne, s’inscrit dans le droit fil de ses recherches.
Comment est né ce projet qui mêle danse, musique, vidéo, un peu à votre image d’artiste polyvalente ?
Nina Laisné : Tout est parti d’Hilda Herrera qui est une extraordinaire pianiste et compositrice que j’ai rencontrée très tôt dans mon parcours – j’avais neuf ans – et qui a représenté pour moi une singularité, une ouverture sur de nouvelles formes, sur la richesse des musiques traditionnelles en Argentine. Avec elle, on sent la force de ses racines et l’histoire de ce pays. Elle a une aura immense en Amérique Latine, et il était important pour moi de partager ce choc artistique à l’origine de tout mon parcours musical. Restait à trouver la bonne manière de penser une forme scénique autour de son répertoire. Car certes, elle est toujours vivante, continue à jouer et donner des concerts, mais, à 92 ans, elle ne se déplace plus. Je réfléchissais sans trouver la clef de ce défi. Puis j’ai rencontré il y a quelques années Nestor ‘Pola’ Pastorive, un magnifique danseur, dont la performance percussive des pieds pénétrait la trame musicale d’Hilda.
« Pour moi, il était important de partager ce choc artistique à l’origine de tout mon parcours musical. »
Pourquoi avoir pensé à une forme finalement très chorégraphique ?
N.L. : C’est une danse aux racines foisonnantes et multiples qui peuvent être développées par le mouvement, mais qui ont été bien souvent cadenassées par des formules un peu archétypales et très nationalistes aussi, voire virilistes. Ce qui m’a bouleversée, c’était de constater que Nestor ‘Pola’ Pastorive décloisonnait ce geste folklorique, l’emmenait vers d’autres influences, beaucoup plus libres, beaucoup plus intuitives. En rencontrant Nestor, j’ai trouvé une sorte d’équivalent d’Hilda, de son immense liberté, dans la chorégraphie et dans la danse. Il m’a paru évident de les rapprocher, de faire dialoguer la danse de « Pola » très vivante, très concrète, et la présence immatérielle d’Hilda qui passe par la vidéo et par des enregistrements, mais qui constitue un vrai duo au plateau puisque tous les zapatéos, dans la danse de ‘Pola’, sont tissés entre les notes d’Hilda.
D’où vient le titre, Como un baguala oscura ?
N.L. : C’est le vers d’un poème qu’Hilda a mis en musique. Il parle d’une personne issue des communautés autochtones qui vit et travaille dur dans les forêts, qui est exploité, qui a le corps totalement brisé. Dans ce poème, il finit par faire corps avec la nature, et devient arbre. Sa peau devient écorce, flotte dans l’air como una baguala oscura, la “ baguala“ étant un chant enraciné dans les populations autochtones, une voix qui s’élève dans la forêt et chante du haut des montagnes. Cette évocation nous paraissait importante dans ce spectacle, car elle reliait toute cette culture rurale et fascinante, mais souvent malmenée, opprimée.
Propos recueillis par Agnès Izrine
A propos de l'événement
Como una baguala oscuradu jeudi 26 septembre 2024 au dimanche 29 septembre 2024
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris
le 26 à 20h30, le 27 à 19h30, le 28 à 17h, le 29 à 15h. Tél. 01 53 65 30 00. Dans le cadre du festival d’Automne à Paris.
Egalement à Malakoff Scène Nationale – Théâtre 71, le 7 novembre à 20h.