La Vallée de l’étonnement, d’après la pièce de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne / composition musicale Alexandros Markeas, livret et mise en scène Sylvain Maurice, direction Laurent Cuniot
Sylvain Maurice et Alexandros Markeas [...]
Pépite au Lavoir Moderne Parisien : Régis de Martrin-Donos a écrit et met en scène un kaléidoscope au féminin que Fernanda Barth interprète avec un talent à couper le souffle ! A découvrir d’urgence !
Foin des plaintes et des larmoiements, des victimes chagrines et des vierges effarouchées ! Les femmes qui composent la revue imaginée par Régis de Martrin-Donos sont peut-être au bord de la crise de nerfs et à bout de souffle, mais elles sont surtout audacieuses, insolentes, iconoclastes, tempétueuses et aussi drôles qu’émouvantes dans leurs excès et leur fascinante provocation. Fernanda Barth, qui a eu l’idée de ce spectacle, les interprète avec une fougue, un abattage et un brio peu communs. La comédienne irradie dans les différents rôles qui composent ensemble un portrait du féminin virevoltant, qui sait fustiger la phallocratie et le patriarcat avec l’arme sans doute la plus efficace : un humour tranchant doublé d’une ironie mordante. De Io accouchant seule dans l’opprobre de son refuge égyptien à un bouleversant hommage à Dalida dans une stupéfiante dernière image, des femmes plus attachantes les unes que les autres se succèdent. Une sorcière avouant ses amours diaboliques, une chanteuse de cabaret gouailleuse, l’artiste anonyme des grands taureaux rupestres, une journaliste féministe, une mère de famille tentant d’énucléer son mari à la fourchette à écrevisses, une prostituée à la retraite donnant la recette de la fellation substitutive : toutes sont magnifiques de force et de beauté.
Sublime, forcément sublime…
On reconnaît l’inspiration en souriant : un peu de Françoise Giroud, une touche de Simone de Beauvoir, une goutte de Barbara et la crinière en cascade de Iolanda, un poil de Michelet et une once de Claudel. Sans être jamais appuyées, ces références nourrissent un texte enlevé et plaisant, qui ne sombre ni dans la facilité grivoise ni dans la componction sermonneuse. D’autant qu’il est servi par une actrice au charme fou, qui a du chien et du toupet, et dont le talent d’interprétation est hautement remarquable. Elle est le lien qui réunit toutes ces femmes aux destins et aux tempéraments différents, et navigue entre les époques et les classes sociales avec un entrain enthousiaste et une facilité déconcertante. Si ces femmes sont victimes des hommes qui les jugent, les violent, les achètent ou les méprisent, elles ont aussi un panache, une morgue et une superbe bouleversants. Sans doute aussi parce qu’elles revendiquent la liberté, le plaisir et l’amour et surtout parce que Fernanda Barth offre l’écrin de son corps audacieux et de son jeu inspiré à leurs protestations. On voit rarement le désir à ce point circuler sur la scène et on le voit rarement aussi protéiforme et hardi. En guide de ce panthéon au féminin, Fernanda Barth fait merveille ! A ne surtout pas rater !
Catherine Robert
Du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 15h. Tél. : 01 46 06 08 05. Durée : 1h05.
Sylvain Maurice et Alexandros Markeas [...]