La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

David Lescot

David Lescot - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mai 2008

Souvenirs d’enfance…

La « Commission centrale de l’enfance » – la « CCE » : ce nom, aux accents roides comme une directive administrative, évoque pourtant pour certains les rires de vacances, les aventures collectives, les virées nocturnes et les premiers émois sensuels. Musicien, auteur et metteur en scène, David Lescot réveille ses souvenirs dans un récit intime qui croise l’histoire des années d’après-guerre.

Pourquoi revenir sur cette période ?
J’ai voulu fouiller cette histoire qui me revient par bribes et que je sens essentielle pour celui que je suis aujourd’hui. Je me suis retrouvé dans ces colonies à la fin des années 70, héritier malgré tout d’une aventure née après la guerre. La CCE a été fondée en 1947 par des Juifs communistes français pour les enfants de déportés. Mes vacances passées là-bas furent des expériences de vie fondatrices, qui m’ont donné le goût du collectif, le désir de réunir des gens pour « faire ensemble »… Tout ce m’a poussé ensuite vers le théâtre. D’autant que je suis monté sur les planches grâce à la CCE. Les communistes considéraient l’art comme une valeur en soi. On montait beaucoup Brecht bien sûr. J’ai joué Grand-peur et misère du Troisième Reich à 11 ans ! Notre théâtre, on y mettait tout !
 
C’est la première fois que vous assumez le « je » dans le récit.
La SACD et France Culture m’ont commandé ce texte pour le Festival Nîmes Culture, où l’auteur devait lire son texte en public. Il me fallait pouvoir dire « je ». Mes premières pièces mettaient en scène le groupe puis la focale s’est resserrée sur l’individu. Maintenant, je suis seul mais un groupe parle par ma bouche. Peut-être quelques-uns de ceux qui participèrent aux colonies de vacances viendront-ils d’ailleurs me rejoindre en scène certains soirs. A partir de mes souvenirs, fragmentaires, j’ai brodé un récit intime, donc subjectif, qui croise l’histoire des Juifs communistes dans les décennies d’après-guerre. Depuis longtemps je voulais questionner cette époque, sans nostalgie. Sans doute fallait-il attendre la maturité. Ces années témoignent de la force de la conscience politique, de la générosité humaniste portée par le communisme, de l’aveuglement de l’idéologie, de l’usure d’un espoir et du désenchantement. Elles racontent aussi l’apprentissage de la transgression, l’éveil des sens au temps de l’adolescence.
 
Vos pièces se déroulent souvent chez les gens, dans leurs lieux de vie.
J’aime observer la manière dont les gens vivent, non pas mis en situation exceptionnelle, mais là où ils se dépouillent de leurs costumes sociaux. Je les regarde en documentariste. Le théâtre est un lieu d’observation de l’humain dans son milieu. L’extraordinaire et l’étrangeté que recèle le quotidien me fascinent, comme chez Kafka. Son réalisme, philosophique, traque l’insolite et l’incongru pour dévoiler les structures latentes, cachées au cœur de la réalité la plus triviale.
 
« J’ai brodé un récit intime, donc subjectif, qui croise l’histoire des Juifs communistes dans les décennies d’après-guerre. »
 
On sent une drôlerie désenchantée qui innerve tout le récit.
Ce ton reflète mon humeur générale : drôle et douloureuse à la fois. C’est un humour très juif, plein d’autodérision sans être autodestructeur, pour dire les tentatives héroïques vouées à l’échec. Perdants, mais avec panache ! Cette faillite fait aussi la grandeur de l’humain.
 
La musique est très présente dans le spectacle… Une partenaire de scène ?
Je suis musicien, venu au théâtre pour allier tout ce que j’aimais : l’écriture, le chant, la musique, le groupe… D’autre part, dans les colonies de vacances, les chansons et la musique jouaient un rôle très important, fédérateur. J’ai trouvé une magnifique guitare électrique tchécoslovaque rouge des années 60, modèle très rare. Voilà qui faisait l’affaire.
 
Entretien réalisé par Gwénola David


La Commission Centrale de l’Enfance, texte et interprétation de David Lescot, du 14 mai au 15 juin 2008, à 19h, sauf dimanche à 15h, relâche lundi et mardi, à la Maison de la Poésie, Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75003 Paris. Rens. 01 44 54 53 00 et www.maisondelapoesieparis.com.

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