Seconde Nature de Fabrice Lambert
Fabrice Lambert s’associe à l’artiste visuel [...]
A la MC93, le chorégraphe Jérôme Bel convoque la comédienne Valérie Dréville pour jouer plusieurs grands moments chorégraphiques du XXeme siècle. Une réflexion intéressante sur le rôle de l’interprète, mais qui peine à nous émouvoir.
Quand on va voir une création de Jérôme Bel, on s’apprête à être un peu désarçonné. Chorégraphe de la non-danse, expert de l’anti-spectacle, ce trublion de 55 ans n’a eu de cesse de maltraiter les mécanismes de la représentation spectaculaire, convoquant tantôt des amateurs, tantôt des professionnels, explosant l’esthétique attendue, laissant libre champ au public afin qu’il construise sa propre pièce. Danses pour une actrice ne déroge pas à ce tropisme. Seule sur scène, Valérie Dréville est le centre de notre attention, poignante comédienne de 58 ans, formée par Antoine Vitez, qui a joué pour de grands metteurs en scène tels Anatoli Vassiliev ou Claude Régy. Affublée d’un jogging et d’un sweat à capuche, ses cheveux blonds cendrés bien tirés en queue de cheval, elle a l’allure d’une jeune femme.
L’essence de l’interprète
Méthodiquement, elle déplie un panorama de la « modernité chorégraphique » occidentale, comme révélé dans le texte de présentation du spectacle. Nijinski, Duncan, Bausch, Forti, Ôno ou encore Gene Kelly défilent, rendant un bel hommage à l’Histoire de la danse. Elle vit ses chorégraphies, les dévoile par les mots et les gestes, amatrice gauche, approximative, mais aussi gracieuse et juste. Ainsi, elle réveille nos souvenirs de danse et attise nos imaginaires, nous exhortant à créer des fictions, des fantasmes. L’intention initiale de Bel : montrer comment « l’imaginaire de l’interprète est aussi, voire plus important que sa technique » résonne au fil des tableaux qui s’enchaînent. Qu’est-ce qui fait un interprète ? Que reste-t-il de lui lorsqu’on lui retire sa technique ? Qu’est-ce qui nous touche chez lui ? L’esthétique ultra-minimaliste, la didactique élémentaire, la simplicité brute de Bel laissent au public le loisir de s’ennuyer mais aussi de s’évader. Pourtant, si notre intellect carbure, on reste impassible. On attendait peut-être une Valérie Dréville plus irradiante, qui fasse exploser l’émotion que peuvent générer ces danses. Quant à l’engagement et la réflexion écologique clamés par Jérôme Bel – depuis Isadora Duncan (2019) où il annonçait renoncer à l’impression des feuilles de salle et aux voyages en avion –, ils apparaissent toujours aussi superficiels.
Belinda Mathieu
le mardi à 14h30, les mercredis et jeudis à 19h, le vendredi à 20h30, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h20. Tél : 01 48 33 16 16. www.lacommune-aubervilliers.fr Vu à le 7 octobre à la MC93.
Également du 2 au 4 décembre à la Comédie de Valence, du 23 au 25 mars au Théâtre La Vignette à Montpellier, du 14 et 15 avril au Théâtre Sorano présenté avec La Place de la Danse à Toulouse.
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