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Classique / Opéra - Critique OPERA / DIJON

Création mondiale à l’Opéra de Dijon : « Les Châtiments » de Brice Pauset / d’après Kafka. Mise en en scène David Lescot

Création mondiale à l’Opéra de Dijon : « Les Châtiments » de Brice Pauset / d’après Kafka. Mise en en scène David Lescot - Critique sortie Classique / Opéra DIJON Opéra de Dijon
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Création de l’opéra Les Châtiments de Brice Pauset, le 12 février sur la scène de l’Opéra de Dijon Les Châtiments © Gilles Abegg-Opera de Dijon

OPERA DE DIJON / PREMIERE MONDIALE

Publié le 17 février 2020

La création de l’opéra de Brice Pauset est le point d’orgue de dix années de résidence à l’Opéra de Dijon. Une lecture intense de trois récits de Kafka, mise en scène par David Lescot et brillamment dirigée par Emilio Pomarico.

Trois récits, que Kafka souhaitait rassembler sous le titre Les Châtiments, forment la matière textuelle de l’opéra de Brice Pauset : Le Verdict, La Métamorphose, Dans la colonie pénitentiaire. Ce sont trois huis clos, trois confrontations : un fils aimant que son père condamne à mort, un employé modèle métamorphosé en un monstrueux insecte, un officier voue une vénération absolue à la machine de mort dont il a la charge. David Lescot les traite comme tel, dans une démarche très cinématographique : les deux premiers actes montrent l’appartement en coupe en un mouvement de travelling aller et retour et les références au cinéma muet sont nombreuses, de l’épilogue familial de La Métamorphose à la conception très Temps modernes de la machine du troisième acte.

Une construction radicale, accessible et obsédante

Ce sont trois moments aussi où le temps s’enlise : importent moins les actions – elles sont en soi anecdotiques sinon absurdes – que les changements d’état, le basculement, la mise hors du monde des protagonistes. De ces états, la musique de Brice Pauset s’attache à rendre compte. Pour l’essentiel, la voix emprunte les chemins d’un récitatif continu, que le compositeur entend modeler sur les intonations de la langue même de Kafka, conservée par le livret très fidèlement adapté par Stephen Sazio. Dans le même temps, de la fosse se répand une musique sismograhique, en tension permanente, qui s’appuie sur des sonorités étouffées, les bruissements des percussions, du piano, des vents, ponctués de rares éclats d’orchestre ; ce n’est que dans le dernier acte, Dans la colonie pénitentiaire que l’orchestre, jusqu’alors contenu, se révèle dans sa dimension symphonique. Le travail orchestral de Brice Pauset est ainsi un remarquable tour de force, une construction radicale étayée par un grand luxe de détails (il suffit de voir le nombre de sourdines que requièrent les pupitres de cuivres), qui cependant reste d’une écoute accessible – la réception par le public lors de la première en témoigne – et laisse à l’auditeur une trace obsédante. La présence d’Emilio Pomarico dans la fosse y est pour beaucoup ; sous sa direction, les musiciens de l’Orchestre de Dijon Bourgogne montrent une implication constante et une parfaite maîtrise de modes de jeu directement issus des recherches musicales des 20e et 21e siècles.

Public réceptif

La distribution vocale ajoute à l’unité de l’œuvre, les chanteurs endossant successivement les rôles de chaque récit. Assumant pleinement la contrainte du récitatif et la densité du texte, ils installent une musicalité « naturelle » qui s’épanouit rarement en cantabile. Si l’on peut regretter de la part d’Allen Boxer un certain manque de projection, on retient l’extrême humanité que le baryton donne au personnage de Georg dans Le Verdict ou la ferveur qui emporte l’Officier de La Colonie pénitentiaire. Le ténor Michael Gniffke, qui campe la figure paternelle du Verdict et de La Métamorphose et celle du voyageur dans le dernier acte, incarne avec force le texte de Kafka. De même, la soprano Emma Posnan est parfaite dans l’emploi de la jeune fille (la fiancée de Georg, la jeune sœur de Gregor dans La Métamorphose), figure d’innocence ou tout au moins de dernière attache du proscrit avec le monde.

 

Jean-Guillaume Lebrun

 

 

A propos de l'événement

Création mondiale à l'Opéra de Dijon : "Les Châtiments" de Brice Pauset
Opéra de Dijon
Place Jean Bouhey, 21000 Dijon

Les Châtiments, opéra de Brice Pauset. Spectacle vu le mercredi 12 février.

Auditorium-Opéra de Dijon. Place Jean Bouhey, 21000 Dijon. Dernière représentation le dimanche 16 février à 15h.

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