La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Clément Poirée monte « Autopsie mondiale ou la Joie de n’être rien » d’Emmanuelle Bayamack-Tam

Clément Poirée monte « Autopsie mondiale ou la Joie de n’être rien » d’Emmanuelle Bayamack-Tam - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
DR Clément Poirée, metteur en scène et directeur du Théâtre de la Tempête

Théâtre de la Tempête / Texte Emmanuelle Bayamack-Tam / mise en scène Clément Poirée

Publié le 23 août 2023 - N° 313

Après À l’abordage ! et Catch !, Clément Poirée poursuit sa conversation avec l’autrice Emmanuelle Bayamack-Tam, dans une nouvelle création qui réinvente les parcours de Michael Jackson et Britney Spears, autopsiant le moment de leur chute. Une « dramédie musicale », qu’interprète un beau quatuor de comédiens. 

Comment définissez-vous votre compagnonnage avec l’autrice Emmanuelle Bayamack-Tam ?  

Clément Poirée : Il est très précieux, en particulier quand on dirige un lieu, de pouvoir intégrer une autrice à l’aventure de la création. Avec Emmanuelle Bayamack-Tam, le théâtre tout entier est engagé dans le processus d’écriture de la pièce. Pour À l’abordage, réécriture du Triomphe de l’amour de Marivaux que j’ai initiée, Emmanuelle a participé à toutes les étapes de la création. Il avait été convenu qu’elle écrirait un squelette de texte, puis qu’elle serait non pas conseillée mais inspirée par les interprètes qui font vivre la langue. Cette manière de faire a été très heureuse et a permis de faire émerger des rôles comme cousus main. Pour cette nouvelle création, c’est elle qui a déposé un texte sur mon bureau, une partition qui travaille et rêve autour des figures de Michael Jackson et Britney Spears, dont les parcours troublants, très différents, ont en commun la musique, et une enfance sacrifiée sur l’autel du show-business. Désarçonnant, passionnant, le texte réinvestit des obsessions récurrentes chez Emmanuelle : l’enfance malmenée, l’adolescence, les déraillements du désir, la monstruosité…

« La pièce déploie une fantasmagorie délirante autour d’icônes planétaires. »

Comment ces deux icônes apparaissent-elles ? Que raconte la pièce de leur destin ?

C.P. : Loin de toute idée de biopic, la pièce déploie une fantasmagorie délirante autour d’icônes planétaires. Michael, coincé entre deux âges, deux couleurs, deux sexes, roi de la pop universel, devenu criminel accusé de pédophilie. Britney, princesse fiancée de l’Amérique blanche et puritaine, devenue scandaleuse. Leurs parcours au croisement du merveilleux et de l’effrayant, fruit aussi du regard porté sur eux, évoquent ici la fin de l’innocence, racontent le moment de bascule où les anges ont violemment chu, chassés hors de la scène. L’autrice s’affranchit de la vérité, avec comme toujours chez elle une très grande liberté, une folie et une fantaisie qui peuvent faire écho à l’écriture de Copi. Creusant dans notre part monstrueuse autant que dans notre part sublime, Emmanuelle Bayamack-Tam marie parfaitement culture populaire et haute littérature, mettant le doigt sur nos contradictions, sur nos peurs et nos rêves, et interrogeant fortement notre psyché collective.

Quel rôle a la musique dans la pièce ?

C.P. : Un rôle essentiel : Emmanuelle qualifie la pièce, qui est ponctuée de chansons, de « dramédie musicale ». La musique populaire est un repère fort dans son univers ; selon elle, chaque moment important de la vie est accroché à une musique qui le raconte. Nous sommes des êtres musicaux, et le spectacle célèbre cette dimension de façon grinçante et défaillante. Le public est ainsi invité à une forme de concert détraqué, drôle et baroque, dans une petite salle miteuse où essaient désespérément de se produire Michael et Britney, sans plus avoir les moyens de cette perfection scénique et musicale qui les caractérise. Accompagnés de musiciens peu inspirés, ils réinterprètent de manière décalée leurs chansons. Britney et Michael sont flanqués de deux personnages qui s’opposent : le Fan et Opinion Mondiale. Tous quatre sont respectivement interprétés par Mathilde Auneveux, Pierre Lefebvre-Adrien, François Chary et Louise Coldefy, un merveilleux quatuor accompagné par les musiciens Stéphanie Gibert et Sylvain Dufour.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

« Autopsie mondiale ou la Joie de n’être rien »
du vendredi 15 septembre 2023 au dimanche 22 octobre 2023
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du champ de manœuvre, 75012 Paris

à 20h30, le dimanche à 16h30, relâche les lundis. Tel : 01 43 28 36 36.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre