La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Festival Circus Platform

Festival Circus Platform - Critique sortie Théâtre Antony Académie Fratellini
Crédit photo : Sylvain Frappat Légende photo : Yoann Bourgeois

Entretien
Yoann Bourgeois
Festival / Circus Platform / Grand Paris

Publié le 8 juin 2013 - N° 210

Le cirque comme expérience   Jongleur, acrobate, trampoliniste mais aussi danseur et auteur… Yoann Bourgeois braconne les arts du cirque pour composer pièce par pièce une œuvre originale. Reliant l’Académie Fratellini, le Théâtre Firmin-Gémier d’Antony et le Parc de la Villette, le festival Circus Platform retrace l’itinéraire de ce circassien pas comme les autres. « Le mouvement nait de la dynamique de forces en quête d’un équilibre, d’un point de suspension qui ouvre à la polysémie. »

En quoi le parcours que vous proposez reflète-t-il votre cheminement d’artiste ?

Yoann Bourgeois : Depuis les premières Fugues jusqu’aux expérimentations actuelles sur une machine à léviter, les formes présentées s’inscrivent dans un cycle d’écriture en lien avec la musique. Elles proposent des formats et des rapports au public divers mais relèvent d’une même recherche : celle du point de suspension, qui se trouve à la croisée de plusieurs champs lexicaux. Il évoque l’endroit où le poids s’abolit, le soupir dans une partition musicale, l’éternité ou encore ce moment particulier, juste avant que le spectacle commence… Comme le silence de tous les possibles. En scène, je le traduis dans ma pratique avec les objets, qui me manipulent autant que je les manipule, pour introduire du jeu, au sens mécanique. Je le transpose aussi dans l’esthétique, qui ne tente pas de manipuler le spectateur par un discours ou des émotions mais le laisse au contraire terminer le poème. Le mouvement nait de la dynamique de forces en quête d’un équilibre, d’un point de suspension qui ouvre à la polysémie.

Le temps constitue-t-il alors un outil d’écriture ?

Y. B. : Il fonde le lien à la musique… La conscience que rien ne dure toujours m’est aussi très prégnante. D’où la nécessité de m’engager dans l’art vivant, et sans doute le désir de suspendre le temps, de creuser des échappées dans sa matière même, dans son épaisseur, plutôt que de vouloir inscrire mon geste au-delà du temps qui passe. J’envisage mon existence et mon travail comme une succession d’équilibres temporaires. Chaque projet est une aventure de vie particulière, l’occasion de s’essayer une nouvelle fois.

Dans Wu-Wei, spectacle cosigné avec la danseuse Marie Fonte et créé avec les acteurs chinois de l’Ecole d’art de Dalian, vous avez introduit le concept taoïste de « non-agir ». Comment vous a-t-il guidé ?

Y. B. : Ce concept résonnait d’abord avec mon approche de l’acrobatie, qui consiste à se laisser traverser par les forces physiques, à travailler l’« acteur-vecteur ». Peu à peu, il s’est décalé pour s’appliquer au processus même de création : à mesure que j’avançais, je me permettais de renoncer à toutes mes idées sur la Chine, les Chinois, l’art… J’ai mis en place une stratégie du jeu, au sens propre et figuré, pour déverrouiller le formalisme et que quelque chose advienne entre nous. J’ai assemblé des éléments hétérogènes– les Quatre saisons de Vivaldi, des paroles biographiques des interprètes chinois, nos questionnements et réflexions, des saynètes… -, et exploré l’espace entre.

L’expérimentation est au cœur de votre démarche.

Y. B. : Elle est essentielle. D’une création à l’autre, je déplie et approfondis une même matière plus que je ne vise l’inédit… Ma recherche est plus empirique que conceptuelle, elle a besoin de se confronter au concret de la matière, qui ouvre sans cesse de nouveaux possibles. 

Vous transmettez pour la première fois des pièces de votre répertoire à des apprentis de l’Académie Fratellini. Quelles questions soulève cette expérience ?

Y. B. : Elle amène à questionner la technique circassienne. La transmission de pièces de cirque reste rare du fait même des conditions d’apprentissage et des écritures elles-mêmes, souvent trop personnelles pour qu’une interprétation par un autre soit possible. Mon processus procède par simplification volontaire des figures circassiennes, afin qu’elles soient aisément appropriables. Une telle approche bouscule la césure que posent souvent les jeunes entre « technique » et « artistique ». Là est peut-être justement un des enjeux du cirque contemporain…

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Festival Circus Platform
du mardi 4 juin 2013 au samedi 13 juillet 2013
Académie Fratellini


Fugue/Trampoline et Fugue/Balles, le 16 juin lors des Impromptus de l’Académie Fratellini du 4 au 16 juin (Saint-Denis). Tél. 01 72 59 40 30. Créations, lors du Festival Solstice au Théâtre Firmin Gémier/La Piscine (Antony et Châtenay-Malabry) du 21 au 29 juin. Tél. : 01 41 87 20 84. Wu-Wei, du 2 au 13 juillet, Parc de la Villette (Paris). Tél. : 01 40 03 75 75. www.circus-platform.com.
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