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Classique / Opéra

Christian Biet, Philippe Foulon et Jean-Charles Léon

Christian Biet, Philippe Foulon et Jean-Charles Léon - Critique sortie Classique / Opéra
Redécouvreur des instruments à cordes frottées historiques – tel le baryton à cordes – Philippe Foulon dirige le Lachrimæ Consort dans la recréation de la Céciliade en l'église de La Pitié-Salpêtrière. Photo : Christophe Abramowitz / Radio France.

Publié le 10 septembre 2009

La Céciliade : la révélation d’un martyre hyper-violent

La recréation du « martyre sanglant » de la patronne des musiciens, composé en 1606 par le maître de musique de Notre-Dame Abraham Blondet, est l’occasion de confronter une œuvre musicale et théâtrale unique avec une épure scénique contemporaine (mise en espace de Jean Jourdheuil). Rencontre avec trois de ses principaux artisans : Christian Biet, historien du théâtre et dramaturge, Philippe Foulon, chef du Lachrimæ Consort, et Jean-Charles Léon, musicologue et chef de l’Irish Chamber Choir of Paris.

 « Les « instruments d’amour » que nous utilisons (…) permettent de construire des lignes de polyphonies ultra-claires, de révéler l’harmonie intérieure de la note. » P Foulon
 
 
La Céciliade, qui sera représentée pour la première fois depuis 1606, est-elle un cas isolé ou un exemple parmi d’autres de ce « théâtre des martyrs » ?
 
Christian Biet : C’est la seule partition complète que l’on ait retrouvée, mais il n’est pas improbable qu’il y ait eu d’autres exemples d’un maître de grammaire et d’un maître de musique travaillant de concert. Cependant, la Céciliade, avec son extraordinaire violence, s’inscrit dans un mouvement alors très répandu en Europe, qu’il s’agisse des « tragédies des saints » en Espagne ou des tragédies religieuses, souvent dansées, alors en vogue à Florence, Venise ou à la curie romaine. En Angleterre, c’est plus compliqué : sous Élisabeth, ce sont des œuvres beaucoup plus politiques et laïques – ce que l’on appellera le théâtre élisabéthain.
 
La violence est donc le trait commun à ces œuvres littéraires et musicales ?
 
C. B. : Les tragédies religieuses sont représentées avec une violence extrême. Dans le cas de Sainte Cécile, le martyre est représenté derrière un rideau… mais le rideau est soulevé pour le laisser voir. Au contraire des mystères médiévaux, interdits en raison de leurs fréquents débordements, ces représentations de la violence étaient tout à fait acceptées, dans la mesure où ces effets frappants sont susceptibles de conduire à la religion.
 
Quelles sont les principales difficultés rencontrées pour la recréation de la musique ?
 
Jean-Charles Léon : Cela tient d’abord à la partition, destinée à la diffusion de la musique et non à donner une trace fidèle de son exécution en 1606. L’œuvre n’a jamais été jouée telle quelle ; c’était à l’interprète de l’adapter, en fonction des effectifs dont il disposait. Du reste, il n’y a aucune adéquation sur la partition entre les quatre voix (en parties séparées) et les personnages : le choeur correspond tout autant au rôle de Cécile qu’à celui de Valérian.
 
Philippe Foulon : Il n’y a pas non plus d’indication d’instruments et notre travail consiste à s’insérer dans l’écriture vocale, à choisir des instruments qui correspondent à chaque tessiture. Souvent, sous une partie vocale se cache une partie instrumentale. Les « instruments d’amour » que nous utilisons – une famille d’instruments qui avaient pratiquement disparu et que nous recréons – permettent de construire des lignes de polyphonies ultra-claires, de révéler l’harmonie intérieure de la note.
 
J-C. L. : Cette clarté qu’apportent les « instruments d’amour » est essentielle. C’est un choix esthétique et artistique qui s’inscrit pleinement dans la symbolique de la Céciliade : la révélation d’un martyre.
 
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun


Jeudi 1er et samedi 3 octobre à ??h?? à la Chapelle de La Pitié-Salpêtrière, 47 bd de l’Hôpital, 75013 Paris. Tél. 01 xx xx xx xx. Dans le cadre d’un colloque à l’Institut national d’histoire de l’art du 30 septembre au 3 octobre. Publication du texte de La Céciliade par Christian Biet dans Théâtre et récits de martyrs (éd. Garnier, 2009).

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