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Avignon / 2016 - Entretien / Simon Abkarian
Chansons sans gêne est le dernier volet du triptyque dans lequel Nathalie Joly rend hommage à la grande Yvette Guilbert. Simon Abkarian met en scène cet opéra de poche jubilatoire et pétillant.
Comment vous retrouvez-vous dans cette aventure ?
Simon Abkarian : Nathalie est une amie et j’adore son travail. J’avais vu les précédents volets de ce triptyque et j’ai pris un plaisir immense à mettre en scène la rencontre entre ces deux femmes à la même fermeté humaine et artistique. Si Yvette était toujours vivante, elles auraient été amies ! Yvette Guilbert était une artiste et une personne à l’incroyable prodigalité : elle est allée à New York, y a ouvert une école d’art, a toujours inscrit sa vie dans une perspective artistique ; elle a inventé le chanter-parler : de Marlene Dietrich à Barbara, toutes les grandes figures du music-hall sont ses héritières.
Quels sont vos choix de mise en scène ?
S. A. : C’est une pièce de théâtre, une sorte de mini-opéra avec un pianiste et une femme qui chante. Tout part de la musique et on met en scène chaque fait et geste. Il n’y a rien de gratuit ; la gageure, c’est que ça ait l’air vivant et naturel (même si je n’aime pas ce terme). Nous avons construit une histoire organique qui permet l’enchaînement des chansons, sans que rien ne soit laborieux. Ce n’est pas un simple tour de chant. Nathalie raconte Yvette Guilbert sans être collée à elle. Il y a à la fois des chansons d’elle et d’autres dont elle n’est pas l’auteur. L’œuvre d’Yvette Guilbert est une matrice, elle a ouvert un sillon prolixe et florissant : sans nous éloigner d’elle, nous suivons donc le chemin qu’elle a ouvert.
Yvette Guilbert était une artiste engagée. Comment en rendre compte ?
S. A. : Une artiste engagée ? Non ! C’était une artiste normalement constituée ! Elle s’interroge sur le monde, sur l’utilité de son art, sur la condition des femmes. Elle a été l’amie de Freud, des grands artistes et intellectuels de son temps ; elle était complètement immergée dans ce monde qui réfléchit sur le monde. Aujourd’hui, on critique les artistes qui s’engagent… Mais n’est-ce pas la moindre des choses de le faire quand, dans son œuvre, dans sa vie, on parle de la condition humaine ? « Sans gêne », ce spectacle parle des choses légères autant que des choses graves, de sexe, des rapports entre les hommes et les femmes, de misère et de politique. C’est festif même quand c’est tragique. Bien sûr que la politique est présente, mais ce n’est jamais pesant, car si le théâtre est une tribune, elle est poétique et non pas politique !
Propos recueillis par Catherine Robert
à 20h45. Tél. : 04 90 85 89 49.
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