La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Musique de chambre sur scène/critique

C’est la faute à Werther ! de Jérôme Pernoo avec Le Centre de musique de chambre de Paris

C’est la faute à Werther ! de Jérôme Pernoo avec Le Centre de musique de chambre de Paris - Critique sortie Classique / Opéra Paris Salle Cortot
C’est la faute à Werther !, un spectacle musical autour de l’opus 60 de Brahms. © Ania Gruca

Salle Cortot

Publié le 24 janvier 2022 - N° 296

Sur une idée de Jérôme Pernoo, le Centre de musique de chambre de Paris revisite Brahms, Beethoven, Schubert et Robert et Clara Schumann à la lumière du héros de Goethe.

Musique pure ? Musique à programme ? La question se pose dans toute son ambiguïté à l’époque romantique. Brahms lui-même ne suggérait-il pas à Simrock, son éditeur, d’ajouter « une tête avec un pistolet pointé sur elle » en frontispice de la partition de son Quatuor avec piano en ut mineur, hommage non déguisé au Werther de Goethe ? Pour autant, nul scénario ne se superpose à la musique. Le spectacle C’est la faute à Werther ! du Centre de musique de chambre de Paris, construit précisément sur cet opus 60 de Brahms, ne cherche pas davantage à plaquer quelque histoire, à faire des quatre musiciens des personnages de théâtre. Il s’agit plutôt de suggérer, d’évoquer des figures, de susciter des réminiscences.

Ballet d’ombres

Dans le clair-obscur de la scène, les musiciens, portant bottines et redingote, apparaissent en ombres chinoises, telles ces silhouettes découpées, très prisées au temps de Goethe. Quelques éléments de décor suffisent à dessiner un paysage romantique, forêt d’hiver à la Caspar David Friedrich. La scénographie simple de Camille Dugas, autour du piano de Ionah Maiatsky (est-il Werther ? Goethe ? Brahms ?), accueille le mouvement, presque chorégraphique, des trois autres musiciens (Luka Ispir au violon, Paul Zientara à l’alto et Johannes Gray au violoncelle), en un ballet d’ombres à la Hoffmann. Musicalement, cela fonctionne : l’éloignement puis le rapprochement des musiciens — qui jouent évidemment sans partition — créent une tension, quelque chose de magnétique. Resserré, l’adagio initial du Trio à cordes en ut mineur de Beethoven passe comme un murmure, quand, à l’inverse, l’Adagio de Schubert, extrait du Trio op. 100, emplit tout l’espace, comme suspendu au-dessus de la scène. On relève aussi la Romance op. 11 n°1 de Clara Schumann, dans une belle transcription pour alto et piano de Jérôme Ducros, qui s’articule merveilleusement à deux voix. La conséquence cependant en est que, pour rester ensemble, les quatre chambristes doivent forcer quelque peu l’accentuation. Et, malgré une belle idée d’ensemble — un chemin qui mène du tourment romantique (l’accord initial du quatuor de Brahms) à la lumière de la « réconciliation » — la mise en scène évolue finalement peu et l’alternance systématique de la musique et des lectures de Goethe (enregistrées par Jan Peters dans une ambiance sonore un peu trop naturaliste) fait s’éroder la poésie du spectacle.

Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement

C’est la faute à Werther !
du jeudi 20 janvier 2022 au samedi 5 février 2022
Salle Cortot
78 rue Cardinet, 75017 Paris.

les jeudi, vendredi et samedi à 21h (à 19h30, mélodies de Robert et Clara Schumann par le ténor Léo Vermot-Desroches et la pianiste Yun-Ho Chen). Tél : 01 47 63 47 48. https://www.centredemusiquedechambre.paris

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