La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2018 - Entretien / Guillermo Pisani

C’est bien au moins de savoir ce qui nous détermine à contribuer à notre propre malheur

C’est bien au moins de savoir ce qui nous détermine à contribuer à notre propre malheur - Critique sortie Avignon / 2018 Avignon Avignon Off. 11 Gilgamesh Belleville
Le metteur en scène Guillermo Pisani. Crédit : David Balicki

11-Gilgamesh Belleville / d’après Pierre Bourdieu / texte et mes Guillermo Pisani

Entretien / Guillermo Pisani

Publié le 22 juin 2018 - N° 267

Guillermo Pisani adapte et met en scène les analyses sociologiques de Pierre Bourdieu et confie à Caroline Arrouas une partition en forme de mise en abyme sur les mécanismes de la reproduction.

« Prendre une distance critique par rapport à son expérience de spectateur. »

Pourquoi ce titre ?

Guillermo Pisani : Le titre est une phrase à peine détournée de Pierre Bourdieu qui, en plus d’être amusante, exprime bien sa conception de la connaissance du monde social qu’apporte la sociologie. Dévoiler le mécanisme de la reproduction sociale à l’école, par exemple, n’assure pas que le système éducatif va devenir plus égalitaire. Mais c’est bien, au moins, de le connaître. Tant que le mécanisme est ignoré, il agit comme une fatalité. Le connaître ouvre la possibilité d’une liberté. Le spectacle, suivant un mouvement de la pensée bourdieusienne, tourne son regard sur lui-même et dévoile ses propres mécanismes sociologiques. Quelle trajectoire sociale a amené la comédienne à être là, en train de jouer ? Et le public ? Comment se crée socialement la valeur de l’œuvre d’art ? Quel rôle jouent les artistes dans la reproduction des structures inégalitaires de la société ? Ce titre résonne partout !

Pourquoi choisir de parler de Bourdieu ?

G. P. : Sa pensée a été un choc lors de mes études en sociologie. Je voulais revenir sur cette figure et partager cette expérience avec le public. Naturellement, la science – et la sociologie en est une – évolue. Mais les analyses de Bourdieu sur l’éducation, l’art, les intellectuels, le goût, restent très pertinentes pour comprendre notre présent. Une manière de se débarrasser des conclusions fâcheuses d’une pensée, consiste à dire qu’elle a perdu de son actualité. On le dit souvent de Freud et de Marx. Bourdieu est mort seulement en 2002. Je pense que sa sociologie est encore très jeune.

Quelle est la forme du spectacle ?

G. P. : Ce n’est surtout pas une conférence ! Ni une incarnation de Bourdieu. Nous voulions partir d’une vraie expérience théâtrale pour que sa pensée vienne la déplacer. Il y a une fiction, une intrigue, du suspense, une performance de comédienne. Inspirés par Bourdieu, nous amenons, avec humour et malice, le spectateur à réfléchir sur l’expérience qu’il est en train de faire. Si l’on suit attentivement le spectacle, on peut prendre une distance critique par rapport à son expérience de spectateur. Ce qui est déjà pas mal ! Cette réflexion mettant en lumière certaines illusions de cette pratique sociale qu’est le théâtre (le pouvoir créateur de l’auteur, par exemple), il y a sans doute quelque chose d’un peu corrosif – et salutaire – dans la pièce.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

C’est bien au moins de savoir ce qui nous détermine à contribuer à notre propre malheur
du vendredi 6 juillet 2018 au vendredi 27 juillet 2018
Avignon Off. 11 Gilgamesh Belleville
11, boulevard Raspail, Avignon

à 16h45 ; relâche les 11, 18 et 25 juillet. Tél. : 04 90 89 82 63.

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