Carnets d’Avignon
François Olislaeger a réalisé un “carnet” de [...]
Avignon / 2013 - Entretien Qudus Onikeku
Qudus Onikeku poursuit sa quête de mémoire et invite son père dans un périple au cœur de l’histoire du Nigeria. Une célébration de la vie.
En quoi cette nouvelle pièce est-elle reliée aux deux précédentes ?
Qudus Onikeku : Pour moi ces trois pièces forment une sorte de trilogie qui parle de la solitude, de la quête de soi jusqu’à la tragédie, et de la mémoire. Pour le dire d’une autre façon, My exile is in my head se rapproche de l’état solide, quand Still / life serait plutôt liquide, et Qaddish gazeux. C’est le même élément, mais il passe par des états différents.
Sur quelle base repose Qaddish ?
Q. O. : Tout d’abord sur la musique de Ravel. Et Qaddish se réfère à une prière juive qui parle de la mort, mais aussi de la personne qui est en deuil. Cette dualité entre la personne qui est partie et celle qui reste m’a beaucoup intéressé. Cela tient de ma relation avec la vie, ma relation avec la mort, avec le cosmos, avec moi-même… et avec le futur qui n’est pas encore là.
Mais une part de vous-même et de votre histoire alimente cette pièce…
Q. O. : Oui, c’est d’abord personnel, et ensuite cela s’ouvre vers d’autres éléments. A ce propos je n’aime pas trop le terme universalité, je lui préfère le mot humanité. L’universalité renvoie à quelque chose de plus grand, mais c’est le côté humain qui va toucher le public et lui parler. Je raconte des choses par rapport à mon expérience, et cela ouvre une porte pour que le public entre dans sa propre mémoire. C’est comme ça que je conçois mes spectacles, et la question des techniques que je vais utiliser vient seulement après. Mais ma mémoire du corps me dit quelque chose que j’ignore. Quelque chose d’enfoui dans le corps dont je dois me souvenir. Puisque Qaddish commémore la mort, j’ai été chercher des morts. Avec mon père qui a 80 ans, nous avons fait tous les deux ce voyage au Nigeria, en commençant par Abeokuta où il a grandi, et en remontant dans sa mémoire pour convoquer le grand-père, l’arrière-grand-père… En cela le spectacle est une sorte de célébration de la vie.
Votre père a donc été présent tout au long du processus de création ?
Q. O. : Nous avons commencé ce voyage en juillet dernier. Il y a sur scène Emil Abossolo, un acteur : il va incarner l’ancienne génération, en faisant le lien, dans cette relation père-fils, entre passé et présent. Il y a aussi un violoncelliste, une soprano, et Charles Amblard, le musicien qui était déjà sur scène avec moi précédemment. J’aime montrer ce que l’on ne voit pas mais qui nous traverse. En ce sens, ce n’est pas un travail documentaire. Ce sont des sensations, des sentiments, on est encore dans le domaine de la fiction, et le public peut, à partir de là, rêver.
Propos recueillis par Nathalie Yokel
François Olislaeger a réalisé un “carnet” de [...]