Caligula (Remix)d’après Camus par Marc Beaupré
Tenaillé par la passion de l’impossible et le désir de maîtriser le destin, Caligula porte l’exigence de lucidité jusqu’à l’absurde sanguinaire. Le metteur en scène québécois Marc Beaupré s’empare de la pièce de Camus comme d’une partition chorale qui fait résonner cette méditation sur le sens de la vie, le nihilisme du pouvoir absolu et la puissance destructrice du langage.
« L’approche chorale demande aux acteurs d’être à la fois interprètes et choristes, narrateurs et personnages. »
Pourquoi « remixer » la pièce de Camus aujourd’hui ?
Marc Beaupré : La tragédie de cet homme me touche. Il incarne pour son empire le visage cruel et incompréhensible du destin, ce sacrifice supérieur et désespéré pour voir apparaître des valeurs humaines. C’est un suicide. Un « suicide supérieur » disait Camus. L’épithète « remix » renvoie aux choix scéniques initiaux. Je voulais écarter toute représentation classique de l’antiquité romaine et présenter la situation dramatique simplement. J’ai imaginé une chorale, plus rythmique que mélodique, dont le chef peut multiplier les voix en direct au moyen de consoles et d’un séquenceur. Ces conventions servent à représenter l’empire et le lien qui l’unit à son empereur.
Les mots composent ici la partition. Comment avez-vous travaillé à l’adaptation du texte de Camus ?
M. B. : Le spectacle est construit autour de quelques moments où l’art, la sagesse et l’amour sont opposés à la démesure de l’empereur. Il se déroule selon une lente déconstruction jalonnée par ces passages. Dans Caligula, l’empereur meurt seul après avoir systématiquement rejeté tous ceux qui l’aimaient. La mise en scène s’appuie sur le chœur, harmonie scénique initiale que le chef détruit implacablement. J’ai introduit des fragments de Platon, d’Ovide et de Lucrèce ainsi que des extraits de Vies des douze Césars de Suétone, ouvrage sur lequel Camus s’est basé et qui explore la dualité de l’empereur, « Un prince qui devint un monstre ».
La scénographie dessine un espace abstrait où Caligula dirige pour lui-même sa tragédie. Qu’apporte-t-elle à la dramaturgie ?
M. B. : Le dispositif scénique devient une allégorie de la fiction. Cette configuration et l’approche chorale demandent aux acteurs d’être à la fois interprètes et choristes, narrateurs et personnages, « dedans » et « dehors ».
Entretien réalisé par Gwénola David
A propos de l'événement
CALIGULA(REMIX)du mardi 16 octobre 2012 au samedi 20 octobre 2012
Maison des Arts de Créteil
place Salvador Allende, 94000 Créteil.
Du 16 au 20 octobre 2012, à 20h30. Tél. : 01 45 13 19 19.