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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon - Critique

« Ça ne se fait pas », mis en scène par Frédéric Fisbach : un quadruple shoot de jeunesse.

« Ça ne se fait pas », mis en scène par Frédéric Fisbach : un quadruple shoot de jeunesse. - Critique sortie Avignon / 2025 Avignon Le 11 · Avignon
Frédéric Fisbach - Jean Destrem, Lucile Roche, Marie de Dinechin et Gabriel Chirouze (de gauche à droite et de haut en bas).

11 • Avignon / textes de Marie de Dinechin et Gabriel Chirouze / mise en scène Frédéric Fisbach

Publié le 6 juillet 2025 - N° 334

Une autrice et un auteur : Marie de Dinechin et Gabriel Chirouze. Un comédien et une comédienne : Jean Destrem et Lucile Roche. Ces quatre artistes ont moins de 30 ans. Servie par une mise en scène au dépouillement radical de Frédéric Fisbach, Ça ne se fait pas nous plonge dans les élans d’une jeunesse en quête d’identité, d’avenir, de sens… Un concentré de talents.

Créés à Paris au Théâtre national de La Colline en septembre dernier, dans le cadre du projet Aux Singuliers, les deux monologues associés par le metteur en scène Frédéric Fisbach dans Ça ne se fait pas nous parlent — chacun de façon différente, mais également talentueuse — d’une jeunesse d’aujourd’hui qui se cherche. Ils nous disent comment une adolescente de 14 ans (Quand un pigeon a manqué de me crever l’œil ou comment j’ai voulu faire quelque chose de Marie de Dinechin) et un étudiant d’une vingtaine d’années (Les Années Fleetwood Mac de Gabriel Chirouze) s’inscrivent dans la société d’aujourd’hui. Comment il et elle se construisent, mènent la barque hasardeuse de leur vie. Comment elle et il réfléchissent leur avenir, ainsi que l’avenir du monde, en faisant ce qu’ils peuvent pour échapper à des défaites et des obstacles qui paraissent inéluctables, aux impasses existentielles que la génération de leurs parents leur a laissé en héritage. On voit pourtant ces deux personnages sourire. Une distance humoristique évite, dans les deux textes, l’emphase et le pathos, sans amoindrir la force de ces fugues extrêmement sensibles.

Étonnements existentiels

C’est Lucile Roche qui entame la représentation, dans le rôle de l’adolescente. Comme Jean Destrem, qui investit le plateau dans la seconde partie du spectacle, la jeune comédienne est tout simplement remarquable. On retrouve, chez les deux interprètes, un même sens de l’engagement, de la précision, de la profondeur d’incarnation… Pourtant, leurs partitions respectives donnent corps à des univers aux antipodes l’un de l’autre. Matière poétique et elliptique d’une écriture qui nous engage dans le changement d’existence d’une adolescente pas comme les autres, pour le texte de Marie de Dinechin. Matière plus quotidienne et réaliste d’un jeune homme qui vit à cent à l’heure en essayant d’ouvrir les portes du bonheur là où elles se trouvent, pour le texte de Gabriel Chirouze. Dans les deux œuvres, l’exigence et le talent sont là. Évidents. Vivifiants. Le travail de Frédéric Fisbach est, lui aussi, exemplaire. Écartant toute idée d’esthétisme, le metteur en scène installe son actrice et son acteur au sein d’un espace entièrement nu. Une chaise sert d’appui à Lucile Roche qui, sans être immobile, conserve la même place tout au long de son monologue. A l’inverse, Jean Destrem va et vient de toutes parts. Il entre, sort, arpente le plateau comme la salle. On reçoit ces deux magnifiques performances avec plus que de l’intérêt : avec de l’étonnement.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

ça ne se fait pas
du samedi 5 juillet 2025 au jeudi 24 juillet 2025
Le 11 · Avignon
11 boulevard Raspail, 84000 Avignon

à 9h50. Relâche les vendredis. Durée : 1h35. www.11avignon.com

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