Babylon City déroule quelques saynètes du racisme ordinaire sur un texte de Mohamed Kacimi commandé par le studio théâtre de Stains. Quand la banlieue se rit de ceux qui en ont peur.
Pour ceux qui ne connaitraient pas, Stains est situé en deuxième ceinture du 93. Même contexte sociologique que la majorité du département, l’hyper-proximité de Paris en moins. Pas de MC 93, de TGP, ou de théâtre de la Commune à Stains, mais un studio-théâtre que Marjorie Nakache et son mari ont fondé il y a plus de vingt-cinq ans. Leur pari : ne pas spécialement compter sur le public parisien, mais créer un véritable lien avec le théâtre dans un environnement qui a priori ne s’y prête pas. C’est dans ce lieu que Mohamed Kacimi, auteur d’origine algérienne que caractérise entre autres une plume critique et pleine d’humour, a été invité en résidence pour créer un texte sur le racisme, la peur de l’autre. Rien d’étonnant donc à ce qu’il ancre quelques-unes de ses saynètes dans le contexte de la ville de Stains, créant un effet de proximité sous forme de clin d’oeil qui inverse la focale : ici, l’autre ce n’est pas moi, mais celui qui ne me connaît pas. Le spectacle débute par exemple avec deux parents qui rendent visite à leur fille, partie de la maison pour s’installer dans cette ville dont ils ne savent rien.
Jeu stylisé et rapide
Bien sûr, la peur générée par certaines banlieues se superpose à celle, malheureusement bien ordinaire, de celui qu’on perçoit comme étranger, surtout quand sa différence est physiquement visible. A travers plusieurs saynètes qui s’enchaînent avec fluidité, le texte de Kacimi plante quelques situations archétypales dans le registre du racisme ordinaire : les parents, donc, qui rendent visite pour la première fois à leur fille installée à Stains ; les bourgeois qui rentrent d’un mariage en banlieue par le dernier RER ; un commissariat où le plaignant devient accusé ; les pochtrons du café du commerce qui parlent des éboueurs… avec en toile de fond – proximité de Roissy oblige ? – cet amour de l’ailleurs et de l’autre quand ils sont destination touristique. Par un traitement de type B.D : jeu stylisé et rapide, mimiques comiques, découpage du plateau par des panneaux mobiles, le quotidien de la banlieue n’existe que par les sons et ce que les personnages en voient, et surtout en imaginent, fantasment, à partir des poncifs que véhiculent quotidiennement les médias. L’ensemble est plaisant et drôle même si une interprétation inégale en émousse parfois l’intensité, et qu’on se prend parfois à regretter que la satire ne prenne pas un tour plus débridé. Le pari est continument tenu, en tout cas, de ne pas diaboliser celui qui a peur, ni d’angéliser ce qui la crée pour un théâtre de divertissement à la fois intelligent et léger.
Babylon City de Mohamed Kacimi, mise en scène de Marjorie Nakache, du 17 novembre au 17 décembre . Au studio-théâtre de Stains, 19 rue Carnot à Stains. Tél : 01 48 23 06 61.